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Elle a beaucoup d’esprit ; mais c’est sa franchise surtout qui me plaît. Je gagerais presque qu’elle n’a pas fait un mensonge volontaire depuis qu’elle a l’âge de raison. »

Nos chasseurs revinrent sur les six heures. On fit entrer les violons et l’on dansa jusqu’à dix ; on sortit de table à minuit ; à deux heures au plus tard nous étions tous retirés ; et la journée se passa sans l’ennui que j’en redoutais. Cependant si j’avais été à Paris, une lettre de mon amie, que Damilaville m’aurait remise et que j’attends encore, m’aurait fait plus de plaisir mille fois. Il faut espérer que quelqu’un me l’apportera dans le jour ; ou qu’au pis-aller M. Grimm, qui part, me l’enverra ce soir.

Où êtes-vous ? Est-ce à Châlons ? M’oubliez-vous là dans le tumulte des fêtes et dans les bras de votre sœur ? Madame, ménagez un peu sa santé, et songez que le plaisir a aussi sa fatigue.

Combien de temps resterez-vous encore à Châlons ? Si par hasard cette lettre ne vous y trouvait plus, que deviendrait-elle ?

Eh bien, ils se sont vus ? Que se sont-ils dit ? De quoi sont-ils convenus ? Je vous avais priée d’excuser mon silence auprès de lui ; y aurez-vous pensé ?

Si vous trouvez un moment favorable, saisissez-le pour offrir tout mon dévouement et tout mon respect à madame votre mère. Ne m’oubliez pas auprès de M. Le Gendre.

J’ai demandé à M de Villeneuve des nouvelles de M. de S…, et il m’a répondu qu’il se portait à merveille et qu’il attendait madame sur la fin d’octobre. Je lui disais de Mme B… « Il faut convenir que ces maris-là sont de gros butors. Aller faire un enfant à cette petite femme qui n’a qu’un souffle de vie ! cette aventure ne lui serait jamais arrivée avec un amant. » Cependant il me regardait avec attention ; mais j’étais du sérieux le plus ferme et le plus bête. Je suis sûr qu’il s’y est trompé, et qu’il en a ri.

Le Baron dut arriver hier soir à Paris ; et nous pourrions l’avoir à dîner aujourd’hui. S’il nous restait jusqu’à mercredi, je m’en retournerais avec lui, et nous passerions la grande ville sans mettre pied à terre. Au reste, les mesures sont prises, et vos lettres, toujours adressées à Damilaville, me parviendront sûrement au Grandval.

J’ai vu toute la famille d’Épinay. Avec quelques différences