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tant bien incommode, quand on est loin. Je sais seulement que vous êtes là-dessous ; mais je ne vous y vois pas. Adieu, encore une fois.

C’est à Isle, suivant toute apparence, que vous m’adresserez votre seconde lettre. Il est toujours bien décidé que je ramènerai madame votre mère. J’ai rencontré ici des gens qui ont connu Mme  Le Gendre et qui m’en ont parlé avec admiration. Vous vous doutez bien qu’ils ne m’ont pas ennuyé, ceux-là ! Je les écoutais et je leur disais qu’elle avait une sœur ; et ils trouvaient que leur mère était bien heureuse. Je vous embrasse, quoique je n’aie point reçu de lettres ; mais je vous embrasserai demain bien mieux, car j’en aurai deux ; oh ! oui, j’en aurai deux.

Nos partages sont faits : nous venons de faire un arrangement de 200,000 francs, à peu près comme on fait celui de 200 liards ; cela n’a pas duré un demi-quart d’heure ; je vous dirai cela plus au long.


XI


À Langres, le 12 août 1759.


Voici sur quoi j’ai fondé la paix domestique. Il m’a semblé que ma sœur était un peu fatiguée de l’administration des affaires, et qu’elle s’était fait des principes d’économie qui n’étaient point ceux de l’abbé. L’abbé veut jouir ; sa sœur veut se mettre à l’abri de tout événement. L’abbé aime la compagnie, telle quelle, et la table ; ma sœur se plaît avec peu de monde, et veut être honorable à propos et sans profusion. L’abbé, dans ses tournées ecclésiastiques, a fait des connaissances de toute couleur et de toute espèce, qui en useront avec lui comme il en usait avec elles. Ma sœur pressent que la maison va devenir un hospice ; elle craint de supporter le poids des soins domestiques, de perdre son repos, de dissiper son revenu, et de voir circuler toute l’année autour d’elle des visages inconnus et déplaisants. C’est un plaisir que de l’entendre peindre tous ces