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nous avions aimée l’un et l’autre était déposée. Jugez de l’impression que son silence et son geste firent sur moi.

Je jouis maintenant un peu plus de mon âme. J’ai fait le bien que je désirais : j’ai rapproché mon frère et ma sœur ; nous nous sommes embrassés tous les trois ; leurs larmes se sont mêlées ; ils vivront ensemble ; puissent-ils se rendre heureux ! Et qu’est-ce qui les en empêcherait ? Ils sont sensibles et bienfaisants. Mais cela suffit-il ? Je me fais illusion tant que je puis sur la diversité de leurs caractères. Il le faut bien, ou remporter d’ici une âme pleine d’amertume. Adieu, mon amie ; chère sœur, je vous recommande sa santé ; ne négligez pas trop la vôtre. Mille souhaits pour la chère enfant. J’attends un mot de vous pour écrire à madame votre mère. Adieu, adieu.

Ne m’oubliez pas auprès de l’abbé, de MM. Gaschon et de Prisye ; dites à Mlle  Boileau tout ce qui vous conviendra ; je suis sûr de ne vous dédire de rien. Et ses projets, où en sont-ils ? Elle vous fuit ; elle ne vous estime pas moins ; j’en suis sûr.

Je n’entends toujours rien de Grimm. Que fait-il ? À quoi pense-t-il ? Se porte-t-il bien ? Est-il malade ? Je ne sais que penser de son silence. Il est impossible qu’il me croie encore à Paris. Adieu, mon amie.


X


À Langres, le 10 août 1759.


J’espérais, ma tendre amie, recevoir hier une lettre de vous ; point de lettre, cela m’inquiète. L’enfant était, à en juger par ce que vous m’en avez dit, dans un état si déplorable que ce silence me fait craindre le grand accident. Mais je m’alarme peut-être mal à propos, et deux lettres reçues demain à la fois me rassureront. Je me suis laissé engager, je ne sais comment, à passer la journée à la campagne. On partira de grand matin. Combien le temps va me durer, si je pars sans avoir rien lu de vous ; mais je compte sur la célérité de la poste qui arrive ici de bonne heure.