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vouliez-vous que je devinasse que cette image étonnante fût, dans le même entendement, à côté de l’image délicate de la statue de Pygmalion ? Ce sont deux morceaux d’une rare perfection, mais qui, par cette raison même, semblent s’exclure. Vous avez su faire dans votre vie et une idylle charmante et un grand morceau d’un poëme épique.

Le héros est bien assis. Le héros et le cheval font ensemble un beau centaure, dont la partie humaine et pensante contraste merveilleusement par sa tranquillité avec la partie animale et fougueuse. Cette main commande et protège bien ; ce visage se fait respecter et croire ; cette tête est du plus beau caractère ; elle est grandement et savamment traitée ; c’est une belle et très-belle chose : séparée de tout, elle placerait l’artiste sur la ligne des maîtres dans l’art. Vous voyez, mon ami, que je ne parle pas ici de vous, quoique cette tête fasse autant l’éloge de votre courage que du talent de Mlle Collot.

Le premier aspect..... Mais j’allais oublier de vous parler de l’habillement. L’habillement est simple et sans luxe : il embellit sans trop attacher ; il est du grand goût qui convenait au héros et au reste du monument. Le premier aspect arrête tout court, et fait une impression forte. On s’y livre, et on s’y livre longtemps : on ne détaille rien, on n’en a pas la pensée. Mais quand on a payé ce tribut d’admiration à l’ensemble, et qu’on entre dans un examen détaillé ; lorsqu’on cherche les défauts en comparant les différentes parties de l’animal entre elles, et qu’on les trouve d’une justesse exquise ; lorsqu’on prend une partie séparée, et qu’on y retrouve la pureté de l’imitation rigoureuse d’un modèle rare ; lorsqu’on fait les mêmes observations critiques sur le héros ; lorsqu’on revient au tout, et en rapprochant subitement les deux grandes parties : c’est alors qu’on s’est justifié à soi-même l’admiration du premier moment. On tourne, on cherche une face ingrate, et on ne la trouve pas. En regardant le côté gauche, par exemple, si l’on a cette vigueur de concept qui traverse le plâtre, le marbre, le bronze, et qui vous montre le côté droit, vous frémissez de joie de voir avec quelle surprenante précision l’un appartient à l’autre. C’est ce que j’ai fait sous tous les points de vue de votre composition, et toujours avec la même satisfaction. Votre ouvrage, mon ami, a bien le véritable caractère des beaux ouvrages : c’est de pa-