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pas dit que nous nous aimions. Falconet, tu m’avais grièvement blessé ; j’ai fait la sottise de te rendre douleur pour douleur, et tu m’en dois un remerciement. Avec un peu plus de sang-froid, je serais devenu bien cruel ; car je t’aurais laissé chargé du poids de tes torts, en te répondant avec autant de douceur et de modération qu’il y en avait peu dans une je ne sais plus quelle de tes lettres ; mais tout cela est fini, n’est-ce pas ? Dites-moi donc que nos âmes se touchent comme auparavant. Je vous aime tous les deux. Je vous salue et vous embrasse de tout mon cœur. Celui qui vous remettra cette lettre est un homme de bien, à ce qu’il paraît à son maintien, à son ton et à l’honnêteté de ses occupations. Il est appelé à Pétersbourg par M. de Panin, pour une éducation importante. Il s’appelle M. de Moissy. Il est auteur de différents ouvrages qui font honneur à son cœur. Bonjour, mon ami, bonjour, belle amie. Portez-vous bien, aimez-vous toujours tendrement. Faites l’un et l’autre de belles choses et jouissez, sous les ailes d’une souveraine bonne, grande et sage, d’un bonheur que nous n’osons nous promettre même de plusieurs siècles.

À Paris, ce 27 avril 1772.


XXXII


Bonjour, mes amis ; il y a longtemps que vous n’avez entendu parler de moi. Il y a une éternité que je n’ai entendu parler de vous. Je vous crois tous les deux en santé. Je vous crois heureux l’un et l’autre : Il faut que j’aie cette persuasion, bien ou mal fondée, parce que sans elle je reviendrais sur le passé avec trop de regrets, parce qu’avec elle j’arrange notre vie domestique comme il me plaît. Je ne serai pas content que je ne sois allé à Pétersbourg vous voir, m’établir à côté de vous et vérifier mon roman… Quel jour ! quel moment, pour vous et pour moi, que celui où j’irai frapper à votre porte, où j’entrerai, où j’irai me précipiter dans vos bras et où nous nous écrierons confusé-