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que je vous propose, ce sont des jardiniers. Il y a des arbres partout. J’avais résolu de vous cacher toutes mes peines ; mais je n’y tiens pas. Pour combler la mesure, savez-vous, mes amis, ce qui est arrivé à ces beaux plâtres, à ces morceaux précieux, que vous avez si soigneusement emballés ? c’est que, malgré les doubles caisses, malgré la filasse et la mousse, l’eau a pénétré et presque détruit. Il n’est resté que le masque de l’ours et la petite Russe d’intacts. Cependant, bonne amie, consolez-vous. Voici le jugement que nos grands artistes ont porté de votre travail, et ce qu’ils y ont découvert à travers le dépérissement qu’il a souffert : c’est qu’il y avait dans les salles de l’Académie plusieurs morceaux de réception qui ne méritaient pas autant cet honneur que votre ouvrage. Je vous en parlerai plus au long, lorsque le courrier n’aura pas le pied à l’étrier.

Je vous disais, dans ma précédente, qu’il y avait des artistes qui criaient, et un certain philosophe de vos amis qui s’était mis sous la main de la justice par des emplettes pour Sa Majesté Impériale. Je vous recommandais de faire finir les plaintes des artistes et les soucis du philosophe. Je pense que ces deux affaires sont faites. Il ne me reste qu’un mot à vous dire sur les tableaux des artistes Casanove, Vien et Machy. C’est que le prince de Galitzin est fort embarrassé de sa personne. Il croyait que ces trois morceaux n’étaient qu’à douze mille francs, et il le croyait d’après l’appréciation d’un brocanteur nommé Ménageot, homme de bien et bon connaisseur. J’étais aussi dans la même persuasion, et point du tout. Il se trouve que le Vien veut avoir 8,000 francs de son morceau, que le Ménageot avait estimé deux mille écus ; et ainsi des autres. En conséquence, il n’a demandé à M. le général que 12,000 francs, tandis qu’il faut, ou laisser à ces maîtres l’ouvrage qu’on leur a commandé, et qu’ils ont fait de leur mieux, ou se constituer dans une dépense presque double. Casanove demande 10,000 francs, et son tableau, qui est immense et le meilleur peut-être qu’il ait fait, les vaut. Vien s’est vraiment surpassé, et son tableau vaut plutôt les 8,000 francs qu’il exige que les autres ouvrages ne valent huit mille sols. J’ai vu la ruine de Machy : elle est fort belle et il n’y a rien à rabattre des 4,800 qu’il supplie qu’on lui accorde. Pour Dieu, mon ami, servez vos confrères qui vous en sauront le