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Connaissez-vous nu nommé Guyart ? C’est une tête chaude et rustique. Je l’aime. Il m’a semblé qu’il avait l’âme fière et haute. Il revient de Rome, et il travaille à son morceau de réception. C’est un Mars en repos ; il est couché le coude appuyé sur son bouclier. Il relève sa tête et semble dire : Qu’entends-je là ? « Sacredieu, ne me faites pas lever. »

C’est son discours et son idée. Il faut voir comment cela sera rendu.

Notre patriarche de Voltaire vient de faire ses pâques, au grand scandale et des dévots et des impies.

Il pleut des livres incrédules. C’est un feu roulant qui crible le sanctuaire de toutes parts. Il me semble qu’il n’y avait qu’une bonne page à faire. C’est une exposition pure et simple du dogme et de la morale, avec cette petite interrogation à la fin : « Eh bien, voilà donc ce que vous voulez que je croie ? » Je me tiens en repos. Je crains les convulsions dernières d’une bête féroce blessée à mort.

L’intolérance du gouvernement s’accroît de jour en jour. On dirait que c’est un projet formé d’éteindre ici les lettres, de ruiner le commerce de librairie et de nous réduire à la besace et à la stupidité. Tous les manuscrits s’en vont en Hollande, où les auteurs ne tarderont pas à se rendre. Ils ont fait naître une contrebande de livres où il y a dix fois plus à gagner que sur les indiennes, le tabac et le sel. Ils dépensent des sommes immenses pour nous faire acheter des brochures à un prix fou, méthode sûre pour ruiner l’État et le particulier. Le Christianisme dévoilé s’est vendu jusqu’à quatre louis.

Bonjour, bonjour, portez-vous bien, et recevez les amitiés de la mère et de l’enfant qui me chargent de vous les présenter.

Point de gendre encore, mon ami. Il n’appartient pas à un enfant d’en faire et moins encore d’en élever. Laissons former le corps et la raison. Les arbres qu’on fait porter trop tôt donnent des fruits sans saveur et ne durent pas. Et puis, pourquoi hâter, pour un enfant qu’on aime, les grands soucis de la vie ? Être mère, ce n’est rien, dans l’état de nature ; c’est une terrible affaire dans l’état de société. Je ne fais pas un pas sans voir des enfants menés à la lisière par des femmes à qui il en faudrait donner, à commencer par la mère de mon enfant.