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Le beau centaure à faire que le centaure-czar ! Et ce czar ? Il me semble que je le vois. Comme il commande ! Comme les obstacles disparaissent devant lui !… Ils en mourront de rage, tous ces petits talents jaloux qui vous condamnèrent ici, en dépit de l’ange, du prophète de Saint-Roch, de Saint-Ambroise, et cætera, à la sculpture délicate, au madrigal, à l’idée ingénieuse et fine. Je t’en prie, mon ami, tue-les. Que j’aie le plaisir de les voir foulés, écrasés sous les pieds de ton cheval… ; bonne amie, il n’a que vous et son génie. Point de ménagement. Jugez-le à la rigueur. Si vous craignez de le contrister, vous ne l’aimez pas, vous ne l’estimez pas assez. Pardonnez-lui l’humeur du moment. Demain il reconnaîtra la justesse de votre observation, et il vous remerciera avec deux fois plus de tendresse… Mais comment vivez-vous ? vous ne m’en dites rien. S’occupe-t-elle bien de votre bonheur ? vous occupez-vous bien du sien ? Avez-vous éprouvé que tous les climats sont beaux et que c’est l’âme et non le soleil qui les fait tristes ou gais ? Nous nous entretenons de vous sans cesse ; nous faisons tous les jours des vœux pour votre bonheur et pour vos succès. Songez que rien au monde ne pourra nous déterminer à vous envoyer du trouble ou de l’inquiétude. Il ne faut que le voisinage d’une mauvaise tête pour en déranger une bonne : nous savons cela. Il ne faut qu’une méchante âme pour en désoler cent autres ; c’est encore une chose que nous savons… Je ne sais si je dois m’affliger ou me réjouir de la nouvelle tâche que vous avez acceptée. Le sujet est donné, et il sera très-beau de la manière dont vous l’avez conçu. Mais, mon ami, d’autres célèbres personnages sont venus, ainsi que Catherine, au secours d’un État chancelant. Le passé nous offre de ces exemples, l’avenir nous en offrira d’autres. Les grandes circonstances ont fait et feront encore éclore de grandes âmes. Mais notre Catherine est jusqu’à présent la seule souveraine qui, maîtresse d’imposer à ses sujets telles lois, telle forme de gouvernement, tel joug qui lui aurait plu de leur imposer, se soit avisée de leur dire : « Nous sommes tous faits pour vivre sous des lois. Les lois ne sont faites que pour nous rendre plus heureux. Personne, mes enfants, ne sait mieux que vous à quelles conditions vous pouvez être heureux. Venez donc tous me l’apprendre ; venez vous en expliquer avec moi. Ne craignez point