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bonne amie. Écrivez-moi. Un M. Girard, qui part d’ici en qualité de médecin de M. l’hetman, vous a remis ou vous remettra une lettre de moi. Ne rabattez pas un mot de ce que vous y lirez. Prenez-y la mesure des sentiments que vous nous devez. Si Mme Diderot vient à mourir, vous aurez encore une mère à pleurer. Recevez mon compliment sur le portrait de Mlle Anastasia. Recevez-le d’avance sur celui de l’impératrice ; mon amie, mon ami, caressez bien le général Betzky, jetez-vous, s’il le faut, aux pieds de l’impératrice et obtenez-moi une copie de ce portrait. Il faut que je l’aie. Il faut qu’il soit placé devant moi. Il me fera sûrement faire quelque belle chose : car j’ai juré d’élever aussi un monument à ma bienfaitrice ; et ce serment sera rempli. Le vin du sculpteur va grand train ; je ne sais si vous vous portez mieux de tant de santés bues ; pour moi il ne tiendrait pas au prince que je n’en chancelasse quelquefois. J’ai souvent l’honneur de souper avec lui, et deux heures du matin nous ont surpris quelquefois le verre à la main et les noms du sculpteur et de son élève à la bouche. Vous dormez tandis que nous causons tendrement de vous. Saluez M. Michel de ma part. Puisqu’il a senti votre mérite, il n’est pas sot ; et puisqu’il met tout en œuvre pour vous servir, fût—il prêtre, fût-il diable ou pis encore, je l’en remercie et je partage votre reconnaissance. Je gage que ce M. Michel n’a jamais signé de sa vie avec plus de plaisir que la lettre de change pour votre ami. J’aime à me le persuader. Je crois sur mon âme que les bonnes actions engendrent les bonnes actions, et que s’il y a tant de fripons dans ce monde, c’est qu’il n’y a pas assez d’honnêtes gens. J’allai chez M. Baure pour toucher mon argent. Savez-vous bien que j’eus toutes les peines du monde à empêcher ce M. Baure, que je n’avais jamais vu, d’arrondir la somme défaillante de quelques sacs pour l’emploi que j’en voulais faire ? La bonté est peut-être plus épidémique encore que la malice. Tous ceux qui ont eu de l’amitié pour vous l’ont conservée et la conserveront. Grimm me charge de ses vœux pour votre bonheur et vos succès. Les Bron[1], les Van Loo, les Damilaville, les Naigeon n’ont tous qu’une voix. C’est un éloge où les noms de

  1. Bron était taxateur des postes et inspecteur général du bureau de départ. On retrouvera plusieurs fois son nom dans les lettres à Mlle Volland.