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vous ne seriez pas à plaindre si tous les autres leur ressemblaient. Nos deux bustes sont revenus de la manufacture, celui de Damilaville cuit à merveille ; celui de Grimm avec un coup de feu sur le front et sur le nez. Mademoiselle, j’ai le front et le nez rouges, mais cela n’empêche pas que ce ne soit très-beau, très-ressemblant, très-fin, plus que je ne le suis, et tout aussi vivant. Mon ami dit que j’ai l’air d’un homme que le génie va saisir et qui va partir de chaleur, comme il m’arrive quelquefois. Celui du prince Galitzin ressemble peut-être davantage, mais le mien est plus beau. La retraite qu’il a faite au four lui a donné un air de légèreté étonnant. Je n’ai pas le temps de vous parler de Greuze, de Chardin, de Cochin, de Pigalle, ce sera pour une autre fois. La dame Greuze m’a donné un violent chagrin. Mais laissons cela. J’espère que vous serez content du tableau que Chardin a fait pour le prince. Adieu, mes amis, iterum.


XI


Oui, mon ami, mon tendre ami, embrassez-moi, embrassons-nous. Vous arrivez, et tout en arrivant vous apprenez que la bienfaisante impératrice marie la fille de votre ami. Ce n’est pas à moi, c’est à mon enfant que vous devez tous des compliments. Des compliments, ô le vilain mot ! Des caresses, des embrassements, des marques de joie. Viens, mon enfant, approche, viens que je t’embrasse pour le maître et pour son élève. Mais me croyez-vous moins heureux que vous ? Croyez-vous que dans ces instants mon âme ne soit pas partagée entre mon bonheur et le vôtre ? Demandez-le à Prault, à Grimm, à Le Moyne et autres. Ils sont venus avec la foule de ceux qui ont applaudi à la munificence de Sa Majesté. Ils me parlaient d’elle, ils me parlaient de moi. Et je leur répondais de vous : « Il est arrivé. Ils sont arrivés. Ils se portent bien. Ils ont reçu le plus doux accueil. Tenez, voyez, lisez ce qu’il m’écrit lui-même, ce qu’il écrit au prince des charmes, de la grâce, de l’esprit, de l’affabilité de la souveraine. Il nous a perdus, il