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Encore un mot sur Pline, et puis je le laisse, car c’est un homme qui se défend assez bien de lui-même ; c’est qu’à proportion que les temps ont été plus ou moins ignorants, on lui a reproché plus ou moins de mensonges et d’inepties. Il y en a sans doute, car où n’y en a-t-il pas ?

Verum ubi plura nitent, non ego paucis
Offendar maculis, quas aut incuria fudit,
Aut humana parum cavit natura
[1].

C’est Horace qui m’en a donné le conseil et je le suis. Irais-je sur le rivage avec mon bâtonnet et mon écuelle remuer le sable, en remplir mon écuelle, et laisser la paillette d’or ; oh ! que nenni[2].

Quant à l’article de Voltaire, chut ; c’est à lui à vous répondre (et il le fera mieux que je ne pourrais faire s’il a raison) ou à effacer de son immortel ouvrage les fautes que vous y reprenez, s’il reconnaît qu’elles y sont[3].

Je vous observerai seulement en passant que la manière dont vous interprétez son jugement des tableaux de la galerie de Versailles, l’un de Le Brun et l’autre de Paul Véronèse, ne

  1. Horat., de Arte poetica, v. 349 et seq. Le premier vers doit se lire ainsi :

    Verum ubi plura nitent, in carmine, non ego paucis
    .

  2. « Quand il sera question d’un poëte, j’espère que vous me rapporterez une autorité qui recommande l’exactitude à un historien ; puisqu’ici, où il s’agit d’un historien, vous m’objectez l’indulgence d’Horace pour les poëtes. Est-ce que deux mots de plus étaient une affaire ? Pourquoi avez-vous fait disparaître in carmine de votre citation d’Horace ? Eh bien ! voyez, ce trait ne me rend point vos citations plus suspectes ; je suis accoutumé à les vérifier et à les rectifier toutes. »
  3. « Voltaire fera ce qu’il voudra. J’aime et j’admire ses talents supérieurs. J’honore sa personne et je ne crains pas sa férule. S’il me corrige avec raison, je serai plus sage une autre fois, et je l’en remercierai. S’il le fait à tort, on l’en blâmera. Il sait, d’ailleurs, que si j’ai relevé quelques erreurs sur la peinture et la sculpture, c’est que je suis sacristain de cette église. Si quelque chose en est dérangé, et que je le remette à sa place, personne n’a droit de le trouver mauvais, pas même celui qui l’aurait dérangé ; à moins qu’il n’en soit plus que le sacristain. »