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choix, d’intelligence et de goût qu’on en voit dans le tableau de Polygnote ? Homère, quand il est beau, n’est ni plus sage, ni plus beau que Polygnote.

Il y a, ce me semble, dans les arts plusieurs choses qui marchent d’un pas égal. Au temps où la partie de l’exécution est misérable, le choix de l’instant est mauvais, les incidents sont pauvres, les actions insipides, les figures et les caractères ridicules. La description de Pausanias ne laisse soupçonner à Polygnote aucun de ses défauts. Quoi qu’il en soit, la voici cette description, plate, froide et rigoureuse comme vous la désirez.

Vous avez cru que Pausanias avait d’abord fixé son œil au centre du tableau, et que de là ses regards et sa description s’étaient répandus à droite, à gauche, sur le devant, sur le fond, sur toute la composition ; rien de cela. Il a tout bonnement commencé par la gauche et fini par la droite, comme vous allez voir, et comme je m’en étais douté.

À gauche, oui à gauche, quoique Pausanias ne le dise pas, on voit la mer et son rivage. Au bord de la mer, un seul vaisseau. Ce vaisseau est celui de Ménélas, et Ménélas celui des Grecs le plus embarrassé de son rôle, et le plus empressé de partir. Il avait recouvré sa femme ; mais cette femme coûtait bien cher à la Grèce. Il y a du jugement et de la finesse à n’avoir montré que le vaisseau de Ménélas. Celui qui ne le sentira pas ne sait ce que c’est que l’esprit de la composition.

Sur ce vaisseau, des enfants mêlés avec les matelots ; au centre, le pilote Phrontis disposant les rames. Au-dessous du pilote, Ithæmènes avec des nippes ; sur la planche qui conduit du rivage au vaisseau, Echœax qui passe et porte une urne d’airain. Première masse.

Et cet Echœax passant sur la planche avec son urne d’airain vous semble de l’origine de l’art ? À la bonne heure.

Non loin du vaisseau, Politès, Strophius et Alphius enlèvent la tente de Ménélas. Amphialus détend une autre tente, et le peintre a assis à terre un enfant aux pieds de ce dernier. Deuxième masse.

Ensuite on voit une femme, et une femme qui se pique de beauté, un guerrier et le guerrier le plus ferme des Grecs, avec un jeune homme admirant la beauté d’Hélène. La femme est Briséis, le guerrier Diomède, le jeune homme Iphis. Briséis est