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Vous avez tout perdu en me faisant écrire ces chiffons-là ; mon projet était de faire un discours en forme, avec toute l’élévation, l’enthousiasme, la raison que je crois avoir, et, Dieu merci ! m’en voilà quitte. Le feu s’est évaporé, et je n’y reviens plus que pour vous tracasser. Bonjour, mon cher ami. Bonjour ; vous voyez bien qu’en vous disant cela, je vous baise sur les deux joues.


III

Janvier 1766.


Vous n’êtes point bête, je vous le jure ; vous avez fait seulement un petit pas du côté du vrai ; si j’en fais un autre, nous pourrons bien nous donner la main.

Je ne méprise pas le comptant, ni vous non plus ; je ne serai pas embarrassé de vous montrer que l’idée présente que j’ai du jugement favorable de la postérité est du comptant, puisque j’en jouis et que je suis heureux. Vous en jouissez vous-même, moins que moi peut-être, quoique vous y ayez plus de droit ; c’est une affaire de caractère. Mais vous en jouissez, puisque vous convenez assez franchement qu’après tout, il vaut mieux être préconisé par une voix qui loue sans cesse que par une bouche qui se tait quand nous n’avons plus d’oreilles. Il faudrait que vous fussiez fou ou peu vrai, si vous n’avouiez du moins que l’idée actuelle en est plus flatteuse.

Vous m’accusez de n’avoir pas répondu à tout, et d’avoir fait l’aveugle, quand je vous accusais de faire le sourd. Je n’ai pas mon griffonnage tout présent, mais je ne crois pas votre réponse bien fondée.

Je ne tiens point votre dernière lettre pour répondue. Au demeurant ayez la bonté de considérer, mon ami, que c’est vous qui défendez le paradoxe, et que par conséquent c’est, à la vérité, le côté vrai qui est pour moi, mais que c’est vous qui avez le côté amusant.

Vous plaisantez tant qu’il vous plaît, et il faut, moi, que je sois toujours sérieux. Diable ! il n’est pas question de plaisanter