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viens. — Que vous vous êtes rendue suspecte ? — J’en conviens. — Que si vous êtes strictement jugée par les lois vous serez condamnée à des indemnités ? — Cela sera fâcheux et je n’en dors point. — Que ces indemnités peuvent être appréciées ce que l’on voudra ? — Je ne le pense pas, car quand on regarderait comme directement soustrait tout ce qui en a l’apparence, c’est trop peu de chose et mes fautes sont plutôt celles de mes frères que les miennes ; et je crois que là-dessus ce n’est pas au serment de mes frères, mais au mien qu’il faut s’en rapporter, car si j’ai soustrait, personne ne connaît mieux que moi le prix de la soustraction. — Jurez donc ou que vous n’avez rien à vos frères ou que telle est la valeur de ce que vous avez à leur restituer..... »

Je ne sais, monsieur, si cette forme s’accorde ou non avec celles de la loi ; mais je suis sûr qu’elle est selon la justice naturelle et la droite raison. Le serment doit être exigé de celui qui sait. Le serment doit être exigé de préférence du plus honnête. Or, certainement, il n’y a nulle comparaison sur ce point entre la sœur, à qui l’on n’a jamais fait le moindre reproche, qui est estimée, qui a des mœurs, de la vertu, de la probité, et des frères qui sont sans foi, sans loi, sans mœurs et sans principes. Voilà, monsieur, tout ce que je connais de cette malheureuse affaire dont je me mêle bien malgré moi. J’espère que le compte que je prends la liberté de vous en rendre sera profondément ignoré, car, je vous le répète, si ma démarche venait jamais à la connaissance des frères Desgrey, je ne répondrais plus de ma vie, ni de celle des miens.

Je suis, etc.


fin du tome dix-neuvième.