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question ; nous raisonnons et vous connaissez bien ma façon de penser. Si les méchants sont plus entreprenants avec vous qu’avec un autre, et cela à proportion de votre faiblesse et de votre impuissance, c’est la loi générale de la nature ; il faut, s’il vous plaît, s’y soumettre : car il y aurait peut-être bien du mal à la changer ; et puis ne dirait-on pas que la nature entière conspire contre vous ; que le hasard a rassemblé toutes les sortes d’infortunes pour les verser sur votre tête ? Où diable avez-vous pris cet orgueil-là ? Mon cher, vous vous estimez trop, vous vous accordez trop d’importance dans l’univers. Excepté une ou deux personnes, qui vous aiment, qui vous plaignent, qui vous excusent, tout est tranquille autour de vous, et dormez. Avec vos cinq cents livres, où vous êtes et ce que vous êtes, vous êtes mieux que moi avec mes deux mille cinq cents livres où je suis et ce que je suis. Vos criailleries impatientent D.... Et n’est-il pas vrai que si tous ceux qui sont plus malheureux que vous faisaient autant de vacarme, on ne tiendrait pas dans ce monde ? ce serait un sabbat interminable. Qu’est-ce que vous voulez dire avec tout ce galimatias de pitié qu’on n’a point de vous, de mauvais offices qu’on vous rend, de votre perte qu’on veut, d’abîmes qu’on vous creuse, de précipice qui vous entraîne ? Et f....., une bonne fois pour toutes, laissez là vos accusations, ces jérémiades, et rapprochez-vous des hommes dont vous vous plaignez, pour les voir tels qu’ils sont, et arrêtez ce torrent d’invectives et de fiel qui coule depuis quatre ans. Vous avez dit : Je n’ai pas assez, et D.... a fait davantage. J’y ajoute peu de chose ; mais vous pouvez y compter tant que je vivrai. Vous avez dit encore : Mais tout peut m’échapper, et D.... a assuré votre sort. De quoi s’agit-il à présent ? on est exact. Pourquoi faites-vous des demandes qui sont au moins déplacées ! À juger de la position de D.... par la mienne, je puis me priver en trois mois de vingt-cinq francs, mais non de cinquante : chacun a son arrangement.

Vous vous indignez du ton de D.... ; mais ne connaissez-vous pas son caractère et sa dialecte ? Tel mot ne signifie rien dans la bouche d’un homme honnête, mais violent, qui outrage dans la bouche d’un autre qui pèse toutes les syllabes. Vous vous piquez de connaître les hommes, et vous en êtes encore à