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à peine, si je donnais à chaque chose plus de quatre mois de réponse que vous me demandez. Si vous êtes toujours aussi pressé de secours que vous le dites, pourquoi attendez-vous à la dernière extrémité pour les appeler ? Vos amis ont assez d’honnêteté et de délicatesse pour vous prévenir ; mais, errant comme vous êtes, ils ne savent jamais où vous prendre. On n’obtint pas la première rescription qui vous fut envoyée aussi promptement qu’on l’aurait désiré, parce qu’on n’en accorde point pour des sommes aussi modiques ; elle était datée du 17, elle ne fut remise à D… que le 18, et à moi que le 19 ; le 20 les lettres ne partaient pas : ajoutez à ces délais sept à huit jours de poste, et vous retrouverez ces douze jours de retard que vous me reprochez… Que je me suppose le patient si je peux. Et depuis trois ou quatre ans que je ne reçois que des injures en retour de mon attachement pour vous, ne le suis-je pas ? Et ne faut-il pas que je me mette à tout moment à votre place pour les oublier, ou n’y voir que les effets naturels d’un tempérament aigri par les disgrâces et devenu féroce ?… Je ne vous répondis point, je n’envoyai point le mot de recommandation pour M. de V… ; c’est que j’avais résolu de vous servir et de ne plus vous écrire. Je ne connais point V… ; je l’aurais connu, que je ne vous aurais point adressé à lui. Cet homme est dangereux, et vous eussiez fait à frais communs des imprudences dont vous eussiez porté toute la peine. Voila les raisons de mon silence. Je me soucie peu, dites-vous, de la manière dont vous voyez mes procédés ; il est vrai que je me soucie beaucoup plus qu’ils soient bons. Tant que je n’aurai point de reproches à me faire, je serai peu touché des vôtres. Le point important, mon ami, c’est que l’injustice ne soit pas de mon côté. Je passe par-dessus les cinq ou six lignes qui suivent, parce qu’elles n’ont point le sens commun. Si un homme a cent bonnes raisons, il peut en avoir une mauvaise ; c’est toujours à celle-ci que vous vous en tenez.

Mais, venons à l’affaire de votre manuscrit ; c’est un ouvrage capable de me perdre ; c’est après m’avoir chargé à deux reprises des outrages les plus atroces et les plus réfléchis que vous m’en proposez la révision et l’impression. Vous n’ignoriez pas que j’avais femme et enfant, que j’étais noté, que vous me mettiez dans le cas des récidives : n’importe, vous ne faites aucune