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Mlle Boileau descend, je la vois traverser la cour sur la pointe du pied ; je laisse M. de Solignac le fils, et je la vais trouver chez elle. Nous causâmes d’abord de vous, puis d’elle, de M. de Prisye, de moi, de Mme Le Gendre, de madame votre mère, de vos affaires, de votre absence, de votre retour. Nous y serions encore, mais Mme de Solignac arriva au milieu de notre ramage et le rendit un peu plus réservé. Je lui dis que j’aurais eu l’honneur de lui présenter mon respect plus tôt, que j’étais venu, entre deux voyages à la campagne, dans ce dessein, qu’elle n’y était pas, et que je m’y étais fait écrire par M. de Solignac ; et puis le bavardage banal commença. Je ne sais comment je m’en tirai, je lui demandai des nouvelles de madame….. et de vous surtout, si elles étaient fraîches. Elle me répondit qu’elle en avait de trois jours par madame sa mère, mais non par vous. Est-ce que vous négligeriez de lui écrire ? Elle se leva ; je lui demandai la permission de lui faire une visite ; elle me l’accorda, et elle s’en alla, appelée par les soins que demandait d’elle Mlle de Solignac attaquée d’un érysipèle.

Mlle Boileau n’était ni habillée ni emmessée, et elle dînait en ville, ce qui nous sépara promptement. Je donnai à M. Gaschon trois quarts d’heure dont Mlle Boileau ne voulait point. Je le trouvai. Oh ! combien nous dîmes de folies ! Je le quittai pour me rendre à dîner chez le Baron ; mais nous nous retrouverons, rue Pavée, Mlle Boileau et moi, après-demain. Il faut pourtant que j’aie vu Mme de Solignac chez elle avant votre retour, que l’on ne croit pas ici aussi voisin que vous l’imaginez. En vérité, je jure qu’avec ces malles descendues, ces chevaux demandés, madame votre mère vous joue.

Je dînai chez le Baron avec l’auteur de Caliste. Il n’a pas une once de chair sur le corps ; un petit nez aquilin, une tête allongée, un visage effilé, de petits yeux perçants, de longues jambes, un corps mince et fluet ; couvrez cela de plumes, ajoutez à ses maigres épaules de longues ailes, recourbez les ongles de ses pieds et de ses mains, et vous aurez un tiercelet d’épervier. Je lui fis beaucoup de compliments sur sa pièce, et ils étaient sincères. Nous nous promîmes de nous revoir. Ce sera quand il voudra ; c’est son affaire. La présence de Saurin renferma un peu les amitiés que j’aurais faites à Golardeau, je craignis d’allumer de la jalousie ; Grimm et Golardeau allèrent sur