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VII

À LA MÊME, À VARSOVIE.
1767.

Quoi ! mademoiselle, ce serait tout de bon, et en dépit de l’étourdissement de l’état, des passions et de la jeunesse, qu’il vous viendrait quelque pensée solide, et l’ivresse du présent ne vous empêcherait pas de regarder dans l’avenir ! Est-ce que vous seriez malade ? Auriez-vous perdu l’enthousiasme de votre talent ? Ne vous en promettriez-vous plus les mêmes avantages ? J’ai peu de foi aux conversions, et la prudence m’a toujours paru la bonne qualité la plus incompatible avec votre caractère. Je n’y comprends rien. Quoi qu’il en soit, si vous persistez à vouloir placer une somme à fonds perdus, vous pouvez me l’adresser quand il vous plaira. Je tâcherai de répondre à cette marque de confiance en vous cherchant quelque emploi avantageux et solide ; comptez sur ma discrétion, comptez sur toute la bonne volonté de Mme Diderot. Nous y ferons tous les deux de notre mieux. Envoyez en même temps votre extrait baptistaire si vous l’avez, ou dites-nous sur quelle paroisse vous avez été baptisée, afin qu’on puisse se pourvoir de cette pièce qui constate votre âge et vos surnoms. Il n’y a presque aucune fortune particulière qui ne soit suspecte, et il m’a semblé que dans les plus grands bouleversements de finances, le roi avait toujours respecté les rentes viagères constituées sur lui. Je donnerais donc la préférence au roi, à moins que vous ne soyez d’une autre opinion. Mais je vois avec plaisir par votre lettre du jour de l’an que ce projet de vous assurer quelque revenu à tout événement, quoiqu’il soit bien sage, n’est point le tour de tête d’un bon moment, et que vous y persistez. Je vous en fais mon compliment ; nous voilà donc tout prêts à vous servir, et moi en mon particulier un peu soulagé du reproche que je me faisais d’avoir peut-être donné lieu par mon silence et mon délai à la dissipation de votre argent, et rendu inutile une des