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malheureux qui y ont presque tous péri ; il accepta sans balancer. On lui fit une pacotille, et il partit.

Vous direz à M. Target qu’au milieu de toutes les calamités auxquelles les nouveaux colons furent exposés, on lui reconnut tant de moyens, d’intelligence et de fermeté qu’on le choisit unanimement pour aller à Ceylan et à la Martinique solliciter du secours, et qu’il répondit parfaitement à la confiance de ses commettants.

Vous direz à M. Target que la misère de la colonie s’accroissant de jour en jour par l’avidité des pourvoyeurs et la scélératesse de l’administrateur, il se réfugia dans les forêts avec un nègre et qu’ils y vécurent de singes et de perroquets pendant six mois, jusqu’à l’arrivée de M. de Fiedmond qui, sur les éloges et les regrets qui retentissaient à ses oreilles, fit chercher le jeune homme et se l’attacha en qualité de secrétaire.

Peu de temps après il se maria ; il avait acquis une pauvre habitation et il commençait à respirer de ses peines, lorsque, des chasseurs ayant mis le feu dans les savanes, sa maison fut incendiée. Il se trouva lui, sa femme et sa belle-mère nus, au milieu de la campagne. Sa constance et sa probité ont successivement passé par les épreuves les plus dures.

Dites à M. Target que, pauvre, il a joui et qu’il jouit de la considération la plus illimitée dans une contrée où l’on ne vaut qu’à proportion de la richesse que l’on possède.

Dites à M. Target que son indigence est devenue respectable même pour ses créanciers. J’en atteste M. Dubucq.

Vous direz à M. Target que les différents administrateurs qui se sont succédé à Cayenne, divisés d’opinions et de caractères, se sont tous réunis dans l’attestation de ses lumières et de ses vertus.

Vous direz à M. Target qu’il a été en correspondance suivie avec le ministre de la marine et que ses mémoires sur l’amélioration de la colonie ne se sont plus trouvés, soit que M. de Borne y ait assez attaché de prix pour les emporter avec lui, soit qu’ils aient été supprimés par des commis intéressés à l’inexécution de ses projets.

Vous direz à M. Target qu’à l’arrivée de M. Malouet à Cayenne, il fut député, d’une voix unanime, à l’assemblée des colons et qu’il s’y distingua par sa conduite, par ses mémoires, par son intelligence et surtout par sa hardiesse, se montrant au-