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tembre, me rasseoir un moment au milieu des miens ; et le 9 ou le 10, je me mettrai en chemin pour ma grande tournée. Je n’ai point oublié que c’est après-demain la fête de mademoiselle..... Je joins, mesdames, mon hommage à vos souhaits, et je vous supplie de le faire agréer. Si Mme de Blacy est persuadée de mon sincère attachement, elle ne doutera pas de l’inquiétude que j’ai sur le dérangement de sa santé : je vous prie de dire à mon amoureuse que je ne me ferai jamais à ces sortes d’alarmes ; il faut pour mon bonheur, ou qu’elle se porte bien, ou que j’ignore qu’elle se porte mal. L’honneur de sa guérison serait bien capable d’abréger mon séjour ici ; mais je ne croirai pas aisément que ma personne fasse un miracle que celles d’une bonne sœur et d’une maman comme je n’en connais point ne sauraient faire ; elle sera guérie quand j’arriverai, et je n’aurai qu’à jouir de sa bonne santé. Croiriez-vous bien qu’au milieu de mes soucis, je n’ai pas cessé de souffrir de l’incertitude des récoltes ? Il faisait des pluies continuelles ; je voyais des champs couverts, et je ne savais pas si l’on recueillerait un épi. Joignez à cette idée le spectacle présent de la misère. Je commence à me rassurer depuis que je vois la terre se dépouiller ; et, à en juger par le soulagement que j’éprouve, il fallait que la crainte de la disette pour mes semblables entrât considérablement dans mon malaise. Maman, consolez-vous de vos mauvaises récoltes ; nous aurons la soupe et le bouilli, nous boirons de la bière, et nous serons contents. Le bon dîner est celui qu’on fait avec ceux qu’on aime ; et je vous aime autant que je vous respecte. Vous seriez bien aise, mademoiselle, de trouver ici un mot doux, mais votre lettre m’a fait trop de peine, pour n’en pas avoir de ressentiment : je vous aime bien ; mais, par Dieu ! je ne vous le dirai pas. M. Le Gendre n’est donc plus ! s’il avait voulu finir un ou deux ans plus tôt, il aurait été plus regretté. Voilà sa fille sortie du couvent et bien mariée ; et son fils sur le point d’être claquemuré dans un collège. Comme tout se retourne !

Bonjour, mesdames et bonnes amies. Je vois arriver avec joie le moment de vous embrasser. Recevez toutes trois mon respect.