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le plaisir de revoir un ami, ou celui d’être soulagé d’un fardeau qui me pèse.

L’édition de l’abbé Galiani, mes planches, la corvée de Grimm, le Salon et mes petites affaires particulières m’accablent. Le soir, je suis quelquefois si las que je n’ai pas la force de manger ; cela est à la lettre.

Vous ai-je dit que Greuze venait de recevoir le remboursement du mépris qu’il avait eu jusqu’à présent pour ses confrères ? Son but était d’être peintre d’histoire. Il a présenté pour sa réception un tableau d’histoire ; ce tableau était mauvais ; ils ont accepté son mauvais tableau, et l’ont reçu comme peintre de genre. Sa femme s’en ronge les poings de fureur.

Mademoiselle Volland, mettez-vous en prière le soir, et demandez à Dieu le prompt retour de Grimm, et le prompt départ d’un de ses compatriotes appelé Weinacht, ou en langue chrétienne Noël. Ce Weinacht ou Noël est le miré de l’impératrice ; voilà la troisième ou quatrième fois qu’il m’enivre avec d’excellents vins que nous buvons à la santé de Sa Majesté ; mais je pense que puisque ceci est affaire de prières, vous feriez bien de renvoyer cette commission à mon amoureuse.

Sur ma bonne foi ! Oh ! l’on peut m’y laisser en toute sûreté. J’ai eu le malheur de voir mon extrait baptistaire hier, avant-hier : ah ! mademoiselle Volland, que je suis vieux ! Si je suis nul, je vous réponds qu’il y en a qui ont fermé boutique de meilleure heure. J’ai je n’oserais vous le dire : cet âge est effrayant !

Je remis, il y a quelques jours, entre les mains de Mole cette comédie de Voltaire. Je n’en entends point parler ; je crains bien qu’elle ne me revienne avec un refus[1].

Ma petite bonne est dans les grandes affaires : il s’agit du bouquet de son papa ; ce n’est pas une bagatelle ; il faut être sublime. Je traverse à grands pas le salon du clavecin, parce qu’il ne faut pas que j’entende, et je vous jure que je n’entends rien : il ne faut pas apercevoir un bouquet qui doit nous être présenté.

Ce Dialogue entre d’Alembert et moi ; et comment diable voulez-vous que je vous le fasse copier ? c’est presque un livre ; et puis, je vous l’ai dit, il faut un commentateur.

  1. Voir précédemment, page 321.