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Bonjour, mesdames et tendres amies, Aimez-moi toujours avec mon défaut ; je tâcherai de m’amender. Voilà pourtant un Salon qui me va tomber sur le corps[1]. C’est bien dommage que je ne puisse plus vous rendre compte de mes pensées comme autrefois ; je vous proteste que nous y perdons tous des moments fort doux. Avez-vous fait de belles récoltes ? Êtes-vous bien riches cette année ? Quoique je ne vous dise rien de ma vie, ne me laissez rien ignorer de la vôtre, à laquelle je ne saurais prendre un médiocre intérêt sans être le plus ingrat des hommes.


CXXII


Paris, le 10 août 1769.
Mesdames et bonnes amies.

Oh ! qu’il fait chaud ! Il me semble que je vous vois toutes trois en chemise de bain. Vous avez grande raison, mademoiselle, lorsque vous dites qu’il est bien cruel de travailler par ce temps-là ; mais il le faut : on en est quitte pour penser lâchement et pour écrire de même.

Mais savez-vous mon grand chagrin ? c’est de n’avoir personne à qui lire une foule de petits papiers délicieux. Comme cela vous amuserait, et comme l’espérance de vous amuser me soutiendrait dans mon travail ! À l’occasion d’un poëme médiocre, intitulé Narcisse[2], j’en ai fait un papier joli pour la naïveté, la chaleur et les idées voluptueuses. Tout ce qu’il est possible d’imaginer y est, et cependant Mme de Blacy le lirait en société sans rougir et sans bégayer.

Je ne saurais écrire l’après-midi, et quand j’en aurais envie, ma fille m’en empêcherait ; elle prétend que quand je ne suis pas seul, il faut que je sois avec elle. Oh ! le beau chemin que

  1. Celui de 1769.
  2. Par Malfilâtre. Voir ce morceau, t. VI, p. 355.