Page:Diderot - Œuvres complètes, éd. Assézat, XIX.djvu/319

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

pour revenir à Paris ? il ne fait pas bon voyager quand on ne voit goutte.

Mais M. Trouard ne vient point ; si je l’allais voir, ferais-je donc si mal ?

Je vous salue et vous embrasse toutes ensemble, et chacune en particulier, avec les distinctions qui conviennent.

Je me porte bien aussi de mon côté, avec de la limonade le matin et du lait froid le soir.

Gatti prétend que ce régime n’est pas si fou qu’on croirait bien.

Je ne m’endors pas comme vous, mademoiselle, quoiqu’il en soit bien l’heure.


CXXI

Paris, le 24 juillet 1769.
Mesdames et bonnes amies,

Grondez-moi un peu ; mais plaignez-moi beaucoup. Je me porte bien, je ne sais pour jusqu’à quand. Joignez à l’accablement du travail celui de la chaleur ; je ne crois pas avoir autant travaillé de ma vie. Je me couche de bonne heure ; je me lève de grand matin ; et tant que la journée dure, je suis attaché à mon bureau. Je veux absolument qu’à votre retour, vous me trouviez dégagé de tout lien. Mes libraires veulent publier deux volumes à la fois ; ainsi voyez-moi entouré de planches de la tête aux pieds. L’absence de Grimm me donne une peine que je ne connaissais pas[1]. Je ne voudrais pas, pour autant d’or que je suis gros, continuer cette corvée le reste de ma vie. Et puis l’ouvrage de l’abbé Galiani[2] qu’il a fallu lire, relire et corriger. Ajoutez à cela toutes les distractions occasionnées par la bienfaisance et les importuns, qui, sûrs de me trouver chez moi, s’y rendent plus communs que jamais. Vous m’adressez des repro-

  1. Diderot s’était chargé de continuer sa Correspondance.
  2. Dialogues sur le commerce des blés. Londres (Paris, Merlin), 1770, in-8.