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autre voie, elle s’écria : « Ah ! mon papa, qu’il est horrible d’aller jeter dans la garde-robe l’aliment de son enfant ! » Quel chemin on ferait faire à cette tête-là, si l’on osait ! il ne s’agirait que de laisser traîner quelques livres.

J’ai consulté sur cet entretien quelques gens sensés ; ils m’ont tous dit que j’avais bien fait. Serait-ce qu’il ne faut point blâmer une chose à laquelle il n’y a plus de remède ?

Elle m’a dit qu’elle ne s’était jamais occupée de ces choses-là, parce qu’il viendrait apparemment un moment où il conviendrait de les lui apprendre : qu’elle n’avait pas encore songé au mariage ; mais que si cette fantaisie l’importunait, elle ne s’en cacherait pas, et qu’elle nous dirait nettement à sa mère et à moi : « Papa, maman, mariez-moi » ; parce qu’elle ne voyait point de honte à cela.

Si je perdais cet enfant, je crois que j’en périrais de douleur : je l’aime plus que je ne saurais vous dire.

La dévotion qui impose des pratiques affligeantes donne communément de l’humeur qui se répand sur les autres.

Enfin, l’abbé Galiani s’est expliqué net. Ou il n’y a rien de démontré en politique, ou il l’est que l’exportation est une folie. Je vous jure, mon amie, que personne jusqu’à présent n’a dit le premier mot de cette question ; je me suis prosterné devant lui pour qu’il publiât ses idées. Voici seulement un de ses principes : Qu’est-ce que vendre du blé ? C’est échanger du blé contre de l’argent. Vous ne savez pas ce que vous dites : c’est échanger du blé contre du blé. À présent pouvez-vous jamais échanger avec avantage le blé que vous avez contre du blé qu’on vous vendra ? Il nous montra toutes les branches de cette loi ; et elles sont immenses. Il nous expliqua la cause de la cherté présente ; et nous vîmes que personne ne s’en était douté. Je ne l’ai jamais écouté de ma vie avec autant de plaisir.

Encore une fois, bonnes amies, prenez garde que la méchante femme ne vous devine. Eh ! quelle anicroche voulez-vous que votre remboursement souffre ?

Je ne sais ce que vous voulez dire avec votre barrière de Charenton : vous avez mal lu, ou je n’ai su ce que j’écrivais.

Je vous ai dit ce qui était arrivé du portrait de Mme Bouchard, quoi que l’artiste ait pu faire, il est resté un peu nébuleux,