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Je comptais avoir de la place pour quelques douceurs. Je comptais aussi répondre à Mme de Blacy ; mais voilà mes quatre pages remplies : c’est ma tâche. Bonsoir, mesdames.


CXVII


Paris, le 4 novembre 1768.
Mesdames et bonnes amies,

Avez-vous reçu un gros paquet que j’avais envoyé au bureau du Vingtième pour y être contre-signé ? Maman se prête-t-elle un peu à mes vues ? Se fera-t-elle apôtre de l’inoculation dans les campagnes ? Le bien trouve mille obstacles dans les grandes villes, où il y a toujours une multitude d’hommes intéressés à ce que le mal se perpétue ; où de petits intérêts particuliers, des considérations personnelles de nulle valeur s’opposent à l’utilité générale ; où l’on ne rejette une chose que parce qu’elle a été proposée par un étranger, un concurrent, quelqu’un que l’on jalouse. C’est des campagnes que l’inoculation serait entrée sans contradiction dans les villes ; et c’est des villes qu’elle aura toutes les peines du monde à gagner les campagnes. On veut commencer par l’aire des expériences sur ceux qui mettent une importance infinie à leur vie. Cela n’a pas le sens commun. Si ces expériences s’étaient faites sur des âmes qu’ils appellent viles, tout le monde aurait applaudi.

Si mon début est grave et sévère, c’est que je suis juste ; si mon ton se radoucit sur la fin, c’est qu’il y a des gens contre lesquels la colère ne saurait durer, qui le savent bien, et qui en abusent.

M. de Laverdy se porte à merveille. Il a ses vingt mille francs de retraite. Il a chassé son cuisinier. Il a pris une cuisinière. Il joue la parade de l’homme pauvre, et il laisse chanter à nos polissons dans les rues, sur l’air de la Bourbonnaise :


Le roi, dimanche,
Dit à Laverdy,