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vous reverrais dans six semaines ; il m’a semblé que six semaines étaient moins longues qu’un mois et demi.

N’allez pas faire honneur à M. Le Gendre de toute cette belle éloquence qui vous émerveille ; ce sont des bribes décousues de différentes lettres de condoléance qu’on lui a écrites et qu’il s’est rappelées. L’ami Digeon est bien occupé d’autre chose que d’exalter la tête froide de son futur beau-père. Au reste, il fait très-bien, celui-ci, de vous cajoler toutes deux. Il ne sait pas le secret.

Point de vin ! Mademoiselle, cela vous plaît à dire. Ma sœur est fort contente de ses vendanges. Je crains seulement que le vin ne se garde pas. Mais il y a un remède, c’est de le boire plus vite.

Je vous fais mon compliment sur vos récoltes. Si la cherté du blé continue, c’est qu’il ne peut plus y en avoir de vieux, et que le nouveau n’est pas battu. Je n’ai point de foi au monopole. Le monopole du blé ne peut nuire, à moins qu’il ne s’y joigne de l’autorité.

Que faites-vous de M. Gras ? Qu’il fasse le commerce de grains tant qu’il voudra, mais qu’il ne vous fasse pas brûler. On n’a que faire de recommander à maman de s’expliquer là-dessus, et de prendre sa grosse voix.

Ah ! Dieu soit loué ! voilà donc dom Micon Marin parti ; et vous ne vous excédez plus de fatigue avec lui. S’il ne vous a pas renvoyé deux lettres au moins, je n’y entends plus rien, car il me semble que j’ai écrit presque tous les jours.

Le prince de Galilzin est à Bruxelles ; il y restera deux mois. Il en repartira pour Berlin, où il passera l’hiver, si on le laisse en repos. De Berlin, il se rendra à Pétersbourg, où je veux absolument qu’il emmène sa femme ; car on dit que si elle manque de quelque chose, ce n’est pas de finesse, éloge qu’on peut faire de presque toutes les femmes ; j’en excepte pourtant le mouton de Dieu, que j’aime pour la rareté et pour d’autres belles et bonnes qualités. Ah ! si elle voulait seulement pour un an… Mademoiselle, proposez-lui encore.

Ah ! ah ! vous courez sur les brisées de votre concierge ! Il vous faut aussi du clergé ! Mais ce n’est pas un trop mauvais pis-aller. Un homme comme un autre est un prêtre tout nu : demandez plutôt à l’abbé Marin, ou à Mme de Meaux de Vitry.