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L’homme de Genève continue de persécuter le pauvre La Bletterie. Voici un nouveau trait qu’il vient de lui décocher :


Un mendiant poussait des cris perçants ;
Choiseul le plaint, et quelque argent lui donne.
Le drôle alors insulte les passants,
Choiseul est juste : aux coups il l’abandonne.
Cher La Bletterie, apaise ton courroux ;
Reçois l’aumône et souffre en paix les coups.


Le cher La Bletterie a sollicité une délibération de l’Académie, par laquelle tout encyclopédiste et tout adhérent à l’Encyclopédie fût exclu à perpétuité de ce corps.

Voilà l’histoire du déshonneur de l’Académie française ; et voici l’histoire du déshonneur de l’Académie de peinture, que je vous avais promise. Vous savez que nous avons ici une école de peinture, de sculpture et d’architecture, dont les places sont au concours. On demeure trois ans dans cette école ; on y est nourri, chauffé, éclairé, instruit, et gratifié de trois cents livres tous les ans. Quand on a fait son triennat, on est envoyé à Rome, où nous avons une autre école. Les élèves y jouissent des mêmes avantages qu’à Paris, et ils y ont cent francs de plus par an. Il sort de l’école de Paris, tous les ans, trois élèves qui vont à l’école de Rome, et qui font place ici à trois nouveaux entrants. Songez de quelle importance sont ces places pour des enfants dont communément les parents sont pauvres ; qui ont coûté beaucoup d’argent à ces pauvres parents ; qui ont travaillé pendant de longues années, et à qui on fait une injustice très-criminelle lorsque c’est la partialité des juges et non le mérite des concurrents qui dispose de ces places.

Tout élève, fort ou faible, peut mettre au prix. L’Académie donne un sujet. Cette année, c’était le triomphe de David, après la défaite du Philistin Goliath. Chaque élève fait son esquisse au bas de laquelle il écrit son nom. Le premier jugement de l’Académie consiste à choisir entre ces esquisses celles qui sont dignes de concourir ; elles se réduisent ordinairement à sept ou huit. Les jeunes auteurs de ces esquisses, peintres ou sculpteurs, sont obligés de conformer leurs tableaux ou bas-reliefs aux esquisses sur lesquelles ils ont été admis. Alors on les