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en êtes menacée, si vous voulez conserver la paix entre nous. Bonjour, maman. Donnez menotte.

Bonjour, mademoiselle. Ah ! si vous étiez ici, ou si j’étais là, le beau bouquet que je vous offrirais ! L’accepteriez-vous ? C’est autre chose. Je vous embrasse de toute mon âme, comme il y a douze ans, et je joins ma fleurette à celle de maman et de votre sœur. Toujours, mon amie, toujours !

Bonsoir et bonne nuit, toutes trois. Je cesse de jaser avec vous précisément à l’heure que je vous quittais.

La veille de la Saint-Louis 1768.


P. S. Je n’ai pas le temps de faire contre-signer celle-ci. Les autres le seront.


CXI


Paris, ce 28 août 1768.
Mesdames et bonnes amies,

Vous vengeriez-vous cette année de mon silence de l’an passé ? seriez-vous mortes toutes trois, et n’en resterait-il pas du moins une qui m’instruisît du sort des deux autres ?

Je suis très-assidu chez Damilaville. Mme Duclos et moi nous attendons avec une égale impatience qu’il plaise à M. Gaudet d’ouvrir ses dépêches et de nous envoyer nos lettres ; mais son mari n’est pas plus exact que vous. Elle le boude de son côté. Je vous boude du mien. Nous causons et nous jouons, pour ne plus penser à des gens qui nous oublient.

Les glandes du malade s’affaissent un peu ; mais ses forces tombent, et ses douleurs continuent. Le médecin, en attaquant le vice radical, joue à croix ou pile la vie de son patient. Je ne lui en sais pas mauvais gré. J’aimerais mieux être mort que de vivre à la condition de payer un petit intervalle de rémission de cinq à six mois de souffrances. Il faut être le premier ministre du maître du monde pour oser dire : Crucifiez-moi, cassez-moi