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dans une circonstance sérieuse et qui prêtait par elle-même à des choses tendres, douces, honnêtes, touchantes et délicates.

Au milieu de son ivresse, le prince ne me paraît pas sans quelque souci sur un mariage contracté avant d’avoir obtenu le consentement de sa famille et l’agrément de sa cour. Mais il croit qu’on le boudera pendant quelque temps et qu’ensuite tout ira bien.

L’impératrice persiste à le rappeler, à ce qu’il me dit lui-même. Cela m’est confirmé par une lettre de Falconet, qui croit toujours avoir fait la plus belle chose du monde en donnant de la publicité à son démêlé avec M. de La Rivière. Il continue de le déchirer à belles griffes. C’est un homme à qui la faveur a tourné la tête.

Puisque je suis en train de vous rendre compte de mon temps, il ne faut pas oublier de vous dire que j’ai été une fois à Monceaux, où la journée se serait assez agréablement passée, si le petit ouragan Naigeon ne s’était brouillé avec deux de ses amis à propos d’une question de musique. Il avait raison au fond ; mais il avait doublement tort dans la forme : il a fait serment de ne disputer de sa vie, et de fuir Mme Blondel.

Voilà tout, je crois, mais tout, comme si j’étais à confesse, excepté que j’ai écrit à M. de Saint-Florentin, au nom d’une femme malheureuse, une lettre vraiment sublime[1] : vous la verrez. Il n’y a qu’un moment pour faire ces choses-là ; ce moment passé, on n’y revient plus.

Madame de Blacy, j’ai votre petit agenda sous les yeux ; je n’ai rien fait encore ; mais je ferai tout. Aimez-moi bien, mais pas tant que je vous aime, car il y aurait peut-être un peu de péché.

Maman, recevez mon respect et mon remerciement pour toutes les choses douces que Mlle Volland me dit de votre part. Je n’en rabats rien, au moins ; je voudrais les mériter autrement que par des bagatelles. Je ne vous recommanderais pas votre santé, si je pouvais me persuader qu’elle vous fût aussi chère qu’à vos enfants. Dites bien à ces enfants-là que s’ils souffrent que vous en abusiez, je les haïrai à la mort. Soyez éternelle comme vous

  1. C’est la lettre dont Mme de Vandeul cite quelques lignes. Voir t. I, p. L.