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de lui la cause de sa fille ? Par un amant furieux qui la gâte par ses menaces, par une mère furieuse qui veut subjuguer son époux ; on abandonne, au milieu de cela, ce père irrité au plus adroit fripon de la Grèce. Cependant il est sur le point de ravir sa fille au couteau, lorsque Ériphile dénonce sa faute aux Grecs et à Calchas qui la demandent à grands cris, et puis il y a dix ans que les Grecs sont devant Troie. Il n’y a pas un chef dans l’armée qui n’ait perdu un père, un fils, un frère, un ami pour l’injure faite aux Atrides. Le sang des Atrides est-il le seul sang précieux de la Grèce ? Tout sentiment d’ambition à part, Agamemnon ne doit-il rien aux dieux, ne doit-il rien aux Grecs ? Que de circonstances accumulées pour pallier l’erreur d’un moment ! Le secret de cette boîte-là vous a échappé.

Un peu de repos aura rendu la santé à vos dames. Si j’osais, je leur donnerais le conseil que Circé donne à Ascitte : Si seorsim à fratre unà nocte dormieris.

Je sais bon gré à l’abbé Marin de vous amuser. Et l’abbé Blanc ne s’en mêle-t-il point ? Je ne m’attendais guère à faire le rôle d’un père de l’Église et à être cité en chaire.

Que cette mère est à plaindre ! oui, d’avoir la tête aussi mal faite. (Vous devinez bien l’à-propos de cela.) Qu’elle soit juste dans la dispensation de ses sentiments, et elle sera heureuse, et nous serions heureux aussi. Mais votre abbé Marin traite la grande affaire assez lestement, ce me semble ; il y a bien plus de force et de mérite à lui qu’à un autre. Quelle raison pour croire tout cela vrai que de l’avoir prêché toute sa vie ! Quoi donc ? vous voudriez qu’ils se fussent égosillés pour une sottise, et qu’ils en convinssent ! Cela ne se peut. C’est comme les voyageurs qui ont fait deux mille lieues ; et ce sera pour des choses communes ? Va-t’en voir s’ils viennent…..

Cela n’est guère poli. Pardon, mon amie. Vous voilà donc encore absente pour un mois ; je ne vous avais accordé que jusqu’à la Saint-Martin, et je n’aime pas que vous dérangiez mon calcul. Il faut que je prenne patience sur nouveaux frais.

En vérité, on est bien mal avec ceux qui ressemblent à Morphyse ; ce sont perpétuellement des ruses, des réticences, des mystères, des secrets, des méfiances, et puis l’habitude de la duplicité et de la dissimulation se prend, la franchise s’évanouit.