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arrête les ravisseurs. L’affaire est jugée à Versailles, et le marquis enfermé.

Êtes-vous encore parmi les tombeaux ? Voyez-vous toujours cette tête couverte d’un linceul, et ce grand bras nu qui pend ? Tâchons d’effacer de votre imagination les mausolées, en y élevant un autel, et en vous montrant devant cet autel les jeunes époux. J’avais autrefois un ami qui ne manquait pas un mariage. Pour peu que la mariée fût jolie, le gros Bouchant, c’est le nom de l’homme en question, disait, au moment de l’anneau, avec une mine et un ton d’humeur difficiles à rendre : Ah ! le bourreau !

Une mademoiselle Fiteau, fille d’un maître des comptes, était promise à un quidam qu’on ne nomme pas. Voilà le contrat passé, et le jour du sacrement venu. Le matin, l’époux futur se ravise. Il trouve qu’il manque trente mille francs à la dot de Mlle Fiteau ; il en dit les raisons au père. Le père trouve ces raisons bonnes, et promet les trente mille francs. On conduit les époux à l’autel. L’époux, interrogé s’il accepte mademoiselle pour sa femme, répond que oui, à condition que celui-ci se ressouviendra de la promesse qu’il lui a faite. La demoiselle, interrogée ensuite si elle accepte monsieur pour époux, répond : « Non, non non ; je ne serai jamais à un homme qui se rappelle, dans ce moment-ci, un sentiment d’intérêt, et qui a l’indécence de le montrer à mon père. »

Le paragraphe qui suit est pour vous.

La santé de la petite sœur n’est guère meilleure : elle avait encore de la fièvre ce soir. Cependant la toux me semble un peu plus moelleuse. Il est survenu depuis trois jours une diarrhée dont j’avais espéré plus de soulagement. Je crains que la poitrine ne s’affaisse, et le médecin le craint apparemment aussi, puisqu’il attend la cessation de la fièvre pour ordonner le lait de chèvre. L’époux est plein d’attentions ; je ne ferais pas mieux à sa place. L’enfant est guéri. J’ai passé la soirée avec Vialet. Ah ! je voudrais être à côté de vous. Je péris ici de chagrin, d’impatience et d’ennui.