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équations, et demeure les bras élevés en l’air pendant un temps très-considérable, ce qui édifiait fort les uns et ennuyait fort les autres. Il était de ces derniers ; il tire son ami le célébrant par sa chasuble ; celui-ci sort de sa distraction, mais il ne sait plus où il en est de son affaire ; il se retourne, et demande à son ami : « L’abbé, ai-je fait la consécration ? » L’abbé lui répond : « Ma foi, je n’en sais rien… » Et le prêtre, tout en colère, lui réplique : « À quoi diable pensez-vous donc ? » — Tout cela n’est pas trop bon ; mais l’à-propos, la gaieté, y donnent un sel volatil qui se dissipe et ne se retrouve plus quand le moment est passé.

On vient d’accorder à l’abbé Arnaud et à Suard la Gazette de France. Voilà donc une petite fortune assurée pour ce dernier. Il n’attendait que cela pour faire le bonheur d’une femme qu’il aime à la folie ; il l’épousera, s’il est honnête homme.

Dans l’absence de tous mes amis dispersés autour de Paris, mes journées sont assez uniformes. Se lever tard, parce qu’on est paresseux ; faire répéter à sa petite fille un chapitre d’histoire et une leçon de clavecin ; aller à son atelier ; corriger des épreuves jusqu’à deux heures ; dîner, se promener, faire un piquet, souper, et recommencer le lendemain.

Jeudi prochain, je vous enverrai les deux ouvrages faits en faveur des Calas. Le paquet sera gros, vingt-sept feuilles in-4o. Je vous préviens dès ce moment de ne les communiquer à personne ; si par hasard cela tombait dans de certaines mains, il y aurait certainement une contrefaçon qui ruinerait le libraire, ou plutôt qui ferait tort à la veuve.

Je vous salue et vous embrasse de tout mon cœur. Il est tard, il faut que je coure chez Le Breton pour y mettre en ordre les planches de notre second volume, qui doit paraître incessamment. J’espère qu’on en sera plus content encore que du premier ; il est mieux pour la gravure, plus varié et plus intéressant pour les objets. Si nos ennemis n’étaient pas les plus vils des mortels, ils crèveraient de honte et de dépit. Le huitième volume de discours tire à sa fin ; il est plein de choses charmantes et de toutes sortes de couleurs. J’ai quelquefois été tenté de vous en copier des morceaux. Cet ouvrage produira sûrement avec le temps une révolution dans les esprits, et j’espère que les tyrans, les oppresseurs, les fanatiques et les intolérants n’y