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saire. C’est avec toute la sincérité d’une honnête fille que je vous proteste que, si l’effet pouvait m’être connu après le premier essai, je n’en permettrais pas un second pour ma vie ; il m’avilirait trop. Ce n’est plus le titre de mère que j’aurais voulu, c’est celui de maîtresse ; ce n’est plus un enfant que j’aurais ambitionné d’avoir de bonne race et d’élever, c’est du plaisir ; ce n’est plus un devoir de nature que j’aurais cherché à satisfaire, c’est un commerce illicite que j’aurais formé..... » Voilà ce qu’elle dit à… Je ne sais qu’ajouter ! car ce n’est ni à son époux, ni à son ami. J’ai cru devoir vous faire mieux connaître cette femme, avant que de m’en tenir à votre décision. Encore un mot de réponse là-dessus.

Grâce à l’interruption que le malheur qui vous est arrivé a fait mon journal, j’ai une ample provision de matières ; mais j’espère que j’en oublierai les trois quarts et demi, et que je serai contraint de prendre les choses au moment où je vous écrirai, et de me mettre ainsi tout de suite au courant. Adieu, mes bonnes amies. Depuis que je cause avec vous deux, il me semble que je cause plus facilement, plus doucement.


LXXVII


À Paris, le 2 septembre 1762.


Avant que de reprendre mon journal, je voudrais bien pouvoir vous rendre compte d’une conversation qui fut amenée par le mot instinct, qu’on prononce sans cesse, qu’on applique au goût et à la morale, et qu’on ne définit jamais. Je prétendis que ce n’était en nous que le résultat d’une infinité de petites expériences, qui avaient commencé au moment où nous ouvrîmes les yeux à la lumière jusqu’à celui où, dirigés secrètement par ces essais dont nous n’avions pas la mémoire, nous prononcions que telle chose était bien ou mal, belle ou laide, bonne ou mauvaise, sans avoir aucune raison présente à l’esprit de notre jugement favorable ou défavorable.

Michel-Ange cherche la forme qu’il donnera au dôme de