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de trop d’affaires. Depuis environ deux cents ans qu’ils existent, il n’y en a presque pas un qui n’ait été marqué par quelque forfait éclatant. Ils brouillaient l’Église et l’État : soumis au despotisme le plus outré dans leurs maisons, ils en étaient les prôneurs les plus abjects dans la société ; ils prêchaient au peuple la soumission aveugle aux rois, l’infaillibilité du pape, afin que, maîtres d’un seul, ils fussent maîtres de tous. Ils ne reconnaissaient d’autre autorité que celle de leur général ; il était pour eux le Vieux de la Montagne. Leur régime n’est que le machiavélisme réduit en préceptes. Avec tout cela, un seul homme, tel que Bourdaloue, pouvait les sauver ; mais ils ne l’avaient pas. Ce qu’il y a de plaisant, c’est la bonne foi avec laquelle les Jansénistes triomphent de leurs ennemis. Ils ne voient pas l’oubli dans lequel ils vont tomber : c’est la fable des deux chevrons arcboutés et en querelle avec le faîte de la maison. Le maître, impatienté de leur mésintelligence, abattit l’un, et l’autre tomba. Les évêques mécontents entendent bien mieux leur affaire. Cette boutique de Jésuites contenait toutes sortes de denrées, bonnes, mauvaises ; mais elle était bien fournie ; ceux qui la tenaient étaient de grands charlatans ; ils amassaient autour d’eux beaucoup de gens, et la barque de saint Pierre voguait. Ces événements font bien rire les philosophes. Au reste, ces bons Pères avaient conservé de l’espérance jusqu’à la dernière extrémité, à en juger par la surprise et la consternation qu’on leur a vues lorsqu’on leur a signifié les arrêts. Plusieurs avaient l’air de malfaiteurs qu’on a condamnés. Un homme de ma connaissance, constitué au milieu d’eux par son état et par les circonstances, ne les aimant pas à beaucoup près, n’a pu résister au spectacle de leur désespoir, et s’est retiré ; aujourd’hui même on les plaint ; demain on les chansonnera ; après-demain, on n’y pensera plus : c’est le caractère du joli peuple français.

Toute la matinée d’hier mercredi, ils la passèrent à dire et