Page:Diderot - Œuvres complètes, éd. Assézat, XIV.djvu/395

Cette page n’a pas encore été corrigée

EGYPTIENS. 385 aux autres l’intelligence commune et familière, ne s’ctant point rencontré parmi les Egypliens^ dans la circonstance où il leur aurait été le plus utile ; ces peuples, pressés entre l’inconvé- nient et la nécessité d’attacher la mémoire des faits à des monu- ments, ne durent naturellement penser qu’à en construire d’assez solides pour résister éternellement aux plus grandes révolu- tions. Tout semble concourir à fortifier cette opinion ; l’usage antérieur de confier à la pierre et au relief l’histoire des con- naissances et des transactions; les figures symboliques qui sub- sistent encore au milieu des plus anciennes ruines du monde, celles de Persépolis où elles représentent les principes du gou- vernement ecclésiastique et civil; les colonnes sur lesquelles Theut grava les premiers caractères hiéroglyphiques; la forme des nouvelles pyramides sur lesquelles on se proposa, si ma conjecture est vraie, de fixer l’état des sciences et des arts dans l’Egypte; leurs angles propres à marquer les points cardinaux du monde et qu’on a employés à cet usage; la dureté de leurs matériaux qui n’ont pu se tailler au marteau, mais qu’il a fallu couper à la scie ; la distance des carrières d’où ils ont été tirés aux lieux où ils ont été mis en œuvre ; la prodigieuse solidité des édifices qu’on en a construits; leur simplicité, dans laquelle on voit que la seule chose qu’on se soit proposée, c’est d’avoir beaucoup de solidité et de surface ; le choix de la figure pyra- midale, ou d’un corps qui a une base immense et qui se ter- mine en pointe; le rapport de la base à la hauteur; les frais immenses de la construction ; la multitude d’hommes et la durée du temps que ce travail a consommés ; la similitude et le nombre de ces édifices, les machines dont ils supposent l’invention; un goût décidé pour les choses utiles, qui se reconnaît à chaque pas qu’on fait en Egypte; l’inutilité prétendue de toutes ces pyramides comparées avec la haute sagesse des peuples. Tout bon esprit qui pèsera ces circonstances ne doutera pas un moment que ces monuments n’aient été construits pour être couverts un jour de la science politique, civile et religieuse de la contrée, que cette ressource ne soit la seule qui ait pu s’ofirir à la pensée chez des peuples qui n’avaient point encore d’écriture, et qui avaient vu leurs premiers édifices renversés; qu’il ne faille regarder les pyramides comme les Bibles de l’Egypte, dont les temps et les révolutions avaient peut-être détruit les caractères XIV. 25