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LETTRE
AU R. P. BERTHIER, JÉSUITE[1]


Pœte non dolet[2].


On vient de m’envoyer, mon Révérend Père, l’extrait que vous avez donné du Prospectus de l’Encyclopédie, dans le iie volume de votre journal de janvier[3]. Quelque occupé que je sois, je ne puis me dispenser de vous en faire mes remercîments : mais je tâcherai de n’y point mettre de fadeur.

Je ne puis qu’être très-reconnaissant du ton dont vous parlez du Prospectus et de l’ouvrage, même avant qu’il existe, dans un journal où tout est loué depuis que vous y présidez, excepté l’Histoire de Julien, les Ouvrages de mylord Bolingbroke et l’Esprit des lois. Vous y prodiguez l’encens, mon Révérend Père, aux écrivains les moins connus, sans que le public vous en sache mauvais gré. Cette foule d’auteurs modestes ne peut et ne doit aller à l’immortalité qu’avec vous. Vous voulez bien être, pour me servir de vos propres termes, la voiture qui les y conduit ; je vous souhaite à tous un bon voyage.

Vous vous étendez avec complaisance sur la ressemblance qu’il y a entre l’arbre encyclopédique du Prospectus et celui du chancelier Bacon : j’avais expressément averti de cette ressem-

  1. Cette lettre a paru en 1751, précédant l’article Art de l’Encyclopédie (petit in-8 de 56 pages). Il ne faut pas la confondre avec une Lettre au P. Berthier sur le matérialisme, attribuée à Diderot, mais qui est de l’abbé Coyer, ni avec une autre au même père sur le Livre de l’Esprit, 8 pages, 1759, dont l’auteur est inconnu.
  2. Ces mots sont ceux d’Arria, femme de Cæcina Pætus, Romain consulaire, condamné à mort l’an 42 de J.-C. Après avoir tout fait, mais en vain, pour sauver son mari, elle prend un poignard, se l’enfonce dans le sein, le retire et le lui présente en disant : Pœtus, cela ne fait point de mal. (Br.)
  3. Le Journal de Trévoux, 1751.