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le plan d’un dictionnaire universel des sciences et des arts en un temps où il n’y avait, pour ainsi dire, ni sciences ni arts. Ce génie extraordinaire, dans l’impossibilité de faire l’histoire de ce qu’on savait, faisait celle de ce qu’il fallait apprendre.

C’est de nos facultés que nous avons déduit nos connaissances ; l’histoire nous est venue de la mémoire ; la philosophie, de la raison ; et la poésie, de l’imagination : distribution féconde à laquelle la théologie même se prête ; car dans cette science les faits sont de l’histoire, et se rapportent à la mémoire, sans même en excepter les prophéties, qui ne sont qu’une espèce d’histoire où le récit a précédé l’événement : les mystères, les dogmes et les préceptes sont de philosophie éternelle et de raison divine ; et les paraboles, sorte de poésie allégorique, sont d’imagination inspirée. Aussitôt nous avons vu nos connaissances découler les unes des autres ; l’histoire s’est distribuée en ecclésiastique, civile, naturelle, littéraire, etc. La philosophie, en science de Dieu, de l’homme, de la nature, etc. La poésie, en narrative, dramatique, allégorique, etc. De là, théologie, histoire naturelle, physique, métaphysique, mathématique, etc. ; météorologie, hydrologie, etc. ; mécanique, astronomie, optique, etc. ; en un mot, une multitude innombrable de rameaux et de branches, dont la science des axiomes ou des propositions évidentes par elles-mêmes doit être regardée, dans l’ordre synthétique, comme le tronc commun.

À l’aspect d’une matière aussi étendue, il n’est personne qui ne fasse avec nous la réflexion suivante : L’expérience journalière n’apprend que trop combien il est difficile à un auteur de traiter profondément de la science ou de l’art dont il a fait toute sa vie une étude particulière ; il ne faut donc pas être surpris qu’un homme ait échoué dans le projet de traiter de toutes les sciences et de tous les arts. Ce qui doit étonner, c’est qu’un homme ait été assez hardi et assez borné pour le tenter seul. Celui qui s’annonce pour savoir tout, montre seulement qu’il ignore les limites de l’esprit humain.

Nous avons inféré de là que, pour soutenir un poids aussi grand que celui que nous avions à porter, il était nécessaire de le partager, et sur-le-champ nous avons jeté les yeux sur un