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MISCELLANEA ARTISTIQUES.

En s’avançant du milieu de la nef vers l’autel du chœur, on est arrêté par la chaire d’où l’on annonce au peuple la parole de Dieu. C’est un grand travail[1] mais lourd et bas. La dorure des cariatides qui soutiennent ce morceau et des panneaux en bas-reliefs qui forment le contour au-dessus des cariatides, achèvent d’appesantir le tout. Il est fâcheux d’avoir de grands modèles dans l’esprit ; on y rapporte, malgré qu’on en ait, ce que l’on voit et j’avais entendu parler, quand je vis la chaire de Saint-Roch, d’une autre chaire construite dans une église des Flandres[2]. C’est une caverne pratiquée dans un rocher. Un escalier rustique y conduit. Au bas de cette caverne sur le penchant de la roche sont assis Moïse, Jésus-Christ, les apôtres et les prophètes. À un des côtés sortent d’entre les fentes du rocher, des arbres dont les branches et les feuilles jetées vers l’entrée de la caverne forment le dôme de la chaire. Des herbes, des plantes agrestes, des ronces, des lierres rampants, la saillie inégale des pierres brutes et couvertes de mousses, donnent au tout un air sublime et sauvage. Les peuples rassemblés autour d’un pareil édifice semblent avoir abandonné leurs habitations pour aller chercher l’instruction dans le désert.

Revenons à l’église de Saint-Roch. Arrivés à la balustrade du maître-autel, ceux qui aiment les ouvrages de serrurerie remarqueront la grille qui la ferme dans le milieu. C’est dans ce genre un beau travail et de bon goût ; toutes les parties sont bien assemblées, les ornements convenables ; simplicité, richesse, sans uniformité et sans confusion.

À gauche du maître-autel, contre un pilier, on voit un Christ agonisant. La tête et les bras de ce morceau de sculpture agonisent en effet, mais le corps et les parties inférieures se reposent. Il semble cependant que son agonie aurait dû répandre la défaillance sur tous les membres et que les jambes surtout seraient mieux, si elles cherchaient à se dérober sous le corps. Il y a une de ces jambes appuyée sur la pointe du pied, et ce pied paraît être pendant. Un autre reproche qui tombe sur l’empla-

  1. Par Challe.
  2. Ce motif de décoration des chaires à prêcher a été employé dans un certain nombre de villes de la Belgique et du nord de la France, mais nous ne savons à laquelle Diderot fait allusion. Notre copie portait seulement : « dans l’église de Flandres. »