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NOTICE PRÉLIMINAIRE.

l’indépendance et nourrir la corruption des mœurs[1]. » L’Esprit fut condamné à être brûlé. Quant à l’Encyclopédie, on usa d’indulgence, à cause des intérêts considérables engagés dans l’affaire, et on nomma une commission composée de neuf examinateurs, docteurs en théologie, avocats et professeurs de philosophie, pour relire définitivement les sept volumes imprimés et décider s’ils devaient être ou non brûlés, comme l’Esprit.

Nonobstant cette décision, qui laissait au moins aux libraires l’espérance de s’expliquer devant leurs nouveaux juges, il y eut un arrêt du Conseil d’État révoquant le privilége et défendant de continuer l’impression de l’Encyclopédie. Barbier signale ainsi cette irrégularité : « On dit que c’est un coup d’autorité de M. le chancelier à l’égard du Parlement, qui a entrepris de nommer des examinateurs autres que des censeurs royaux pour examiner les sept volumes. Il y a apparence que les libraires vont se donner des mouvements sur cet arrêt du Conseil ; d’autant que le huitième volume est presque imprimé, et que cela forme une grande dépense. » Barbier ajoute : « Il y a toute apparence que cet arrêt, sollicité auprès de M. le Dauphin sous prétexte de religion, est l’ouvrage de M. le chancelier de Lamoignon, soit par rapport aux Jésuites, qu’il a toujours protégés, et qui sont les ennemis déclarés des auteurs qui ont travaillé à ce dictionnaire ; soit par rapport à l’entreprise du Parlement qui, par l’arrêt du mois de janvier dernier, a nommé des examinateurs particuliers pour les sept volumes, d’autant qu’au moyen de cet arrêt du Conseil, cet examen n’aura aucune suite, suivant les apparences. »

Il n’en eut aucune, en effet, et l’arrêt du Conseil d’État fut, au contraire, confirmé par un autre qui ordonna aux libraires de rendre aux souscripteurs la somme de soixante-douze livres pour les volumes payés d’avance, et qui ne devaient pas leur être fournis.

Voici ces deux arrêts


ARRÊT DU CONSEIL D’ÉTAT DU ROI

QUI RÉVOQUE LES LETTRES DE PRIVILÉGEE OBTENUES POUR LE LIVRE INTITULÉ : ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ DES SCIENCES, ARTS ET MÉTIERS, PAR UNE SOCIÉTÉ DE GENS DE LETTRES.
du 8 mars 1759
(Extrait des registres du Conseil d’État.)

Le roi ayant accordé le 21 janvier 1746 des lettres de privilége pour un ouvrage qui devait être imprimé sous le titre d’Encyclopédie ou Dictionnaire rai-

  1. Journal de Barbier, janvier 1759.