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grecques, romaines, gothiques ; architectures civile, militaire, ancienne, moderne ; ruines, palais, chaumières ; constructions, gréements, manœuvres, vaisseaux ; cieux, lointains, calme, temps orageux, temps serein ; ciel de diverses saisons, lumières de diverses heures du jour ; tempêtes, naufrages, situations déplorables, victimes et scènes pathétiques de toute espèce ; jour, nuit, lumières naturelles, artificielles, effets séparés ou confondus de ces lumières. Aucune de ses scènes accidentelles, qui ne fît seule un tableau précieux. Oubliez toute la droite de son Clair de lune, couvrez-la, et ne voyez que les rochers et l’esplanade de la gauche, et vous aurez un beau tableau. Séparez la partie de la mer et du ciel, d’où la lumière lunaire tombe sur les eaux, et vous aurez un beau tableau. Ne considérez sur la toile que le rocher de la gauche ; et vous aurez vu une belle chose. Contentez-vous de l’esplanade et de ce qui s’y passe ; ne regardez que les degrés avec les différentes manœuvres qui s’y exécutent ; et votre goût sera satisfait. Coupez seulement cette fontaine avec les deux figures qui y sont adossées ; et vous emporterez sous votre bras un morceau de prix. Mais, si chaque portion isolée vous affecte ainsi, quel ne doit pas être l’effet de l’ensemble ! le mérite du tout !

Voilà vraiment le tableau de Vernet que je voudrais posséder. Un père, qui a des enfants et une fortune modique, serait économe en l’acquérant. Il en jouirait toute sa vie ; et dans vingt à trente ans d’ici, lorsqu’il n’y aura plus de Vernet, il aurait encore placé son argent à un très-honnête intérêt ; car lorsque la mort aura brisé la palette de cet artiste, qui est-ce qui en ramassera les débris ? Qui est-ce qui le restituera à nos neveux ? Qui est-ce qui payera ses ouvrages ?

Tout ce que je vous ai dit de la manière et du talent de Vernet, entendez-le des quatre premiers tableaux que je vous ai décrits comme des sites naturels.

Le cinquième est un de ses premiers ouvrages. Il le fit à Rome pour un habit, veste et culotte. Il est très-beau, très-harmonieux ; et c’est aujourd’hui un morceau de prix.

En comparant les tableaux qui sortent tout frais de dessus son chevalet, avec ceux qu’il a peints autrefois, on l’accuse d’avoir outré sa couleur. Vernet dit qu’il laisse au temps le soin de répondre à ce reproche, et démontrer à ses critiques combien