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SALON DE 1767

À MON AMI MONSIEUR GRIMM.

Ne vous attendez pas, mon ami, que je sois aussi riche, aussi varié, aussi sage, aussi fou, aussi fécond cette fois que j’ai pu l’être aux Salons précédents. Tout s’épuise. Les artistes diversifieront leurs compositions à l’infini ; mais les règles de l’art, ses principes et leurs applications, resteront bornés. Peut-être avec de nouvelles connaissances acquises, d’autres secours, le choix d’une forme originale, réussirais-je à conserver le charme de l’intérêt à une matière usée : mais je n’ai rien acquis ; j’ai perdu Falconet[1] ; et la forme originale dépend d’un moment qui n’est pas venu. Supposez-moi de retour d’un voyage d’Italie, et l’imagination pleine des chefs-d’œuvre que la peinture ancienne a produits dans cette contrée. Faites que les ouvrages des écoles flamande et française me soient familiers. Obtenez des personnes opulentes, auxquelles vous destinez mes cahiers, l’ordre ou la permission de faire prendre des esquisses de tous les morceaux dont j’aurai à les entretenir ; et je vous réponds d’un Salon tout nouveau. Les artistes des siècles passés mieux connus, je rapporterais la manière et le faire d’un moderne, au faire et à la manière de quelque ancien la plus analogue à la sienne ; et vous auriez tout de suite une idée plus précise de la couleur, du style et du clair-obscur. S’il y avait une ordonnance, des incidents, une figure, une tête, un caractère, une expression empruntés de Raphaël, des Carraches,

  1. Il venait de partir pour la Russie à la fin de décembre 1766.