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diat et unique d’une science ou d’un art, nous exigeons non-seulement les rapports, mais encore leur valeur : voilà la raison pour laquelle nous disons un beau théorème, et que nous ne disons pas un bel axiome ; quoiqu’on ne puisse pas nier que l’axiome exprimant un rapport n’ait aussi sa beauté réelle. Quand je dis, en mathématiques, que le tout est plus grand que sa partie, j’énonce assurément une infinité de propositions particulières sur la quantité partagée : mais je ne détermine rien sur l’excès juste du tout sur ses portions ; c’est presque comme si je disais : « Le cylindre est plus grand que la sphère inscrite, et la sphère plus grande que le cône inscrit. » Mais l’objet propre et immédiat des mathématiques est de déterminer de combien l’un de ces corps est plus grand ou plus petit que l’autre ; et celui qui démontrera qu’ils sont toujours entre eux comme les nombres 3, 2, 1, aura fait un théorème admirable. La beauté qui consiste toujours dans les rapports, sera dans cette occasion en raison composée du nombre des rapports et de la difficulté qu’il y avait à les apercevoir ; et le théorème qui énoncera que toute ligne qui tombe du sommet d’un triangle isocèle sur le milieu de sa base, partage l’angle en deux angles égaux, ne sera pas merveilleux : mais celui qui dira que les asymptotes d’une courbe s’en approchent sans cesse sans jamais la rencontrer, et que les espaces formés par une portion de l’axe, une portion de la courbe, l’asymptote et le prolongement de l’ordonnée, sont entre eux comme tel nombre à tel nombre, sera beau. Une circonstance qui n’est pas indifférente à la beauté, dans cette occasion et dans beaucoup d’autres, c’est l’action combinée de la surprise et des rapports, qui a lieu toutes les fois que le théorème dont on a démontré la vérité passait auparavant pour une proposition fausse.

Il y a des rapports que nous jugeons plus ou moins essentiels ; tel est celui de la grandeur relativement à l’homme, à la femme et à l’enfant ; nous disons d’un enfant qu’il est beau, quoiqu’il soit petit ; il faut absolument qu’un bel homme soit grand ; nous exigeons moins cette qualité dans une femme ; et il est plus permis à une petite femme d’être belle qu’à un petit homme d’être beau. Il me semble que nous considérons alors les êtres, non-seulement en eux-mêmes, mais encore relativement aux lieux qu’ils occupent dans la nature, dans le grand tout ; et