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NOTICE PRÉLIMINAIRE.

de Diderot, et insultent sans pudeur à sa mémoire, sont assez instruits pour entendre cet Essai, et pour en sentir tout le prix ; mais je suis bien sûr qu’il n’en est pas un seul parmi eux qui soit capable d’en écrire une page. »

L’Essai sur la peinture fut traduit en allemand presque au moment de son apparition, en 1797, par Karl-Friedrich Cramer, qui se qualifiait sur le titre d’imprimeur et de libraire allemand, à Paris. Cette traduction fut éditée chez Hartknoch, à Riga. De son côté, Gœthe reprit ce travail à son tour, en l’accompagnant de notes et d’éclaircissements. Ces éclaircissements roulent, pour la plupart, sur des expressions dont Gœthe conteste l’exactitude ou qu’il essaye d’expliquer aux Allemands. Il y joint les motifs de ses dissidences avec Diderot sur certains points, notamment sur la couleur, à propos de laquelle il avait ses idées particulières que l’on connaît. Il ne nous a pas paru indispensable de traduire ce commentaire, qui aurait cependant sa raison d’être dans une édition spéciale de l’Essai sur la peinture.

Dans son Avertissement, Gœthe s’exprime ainsi : « J’étais dans ces dispositions…, quand l’Essai de Diderot sur la peinture me tomba pour la seconde fois entre les mains. Je m’entretiens de nouveau avec l’écrivain, je le reprends quand il s’écarte du chemin que je tiens pour bon ; je me réjouis quand nous nous retrouvons d’accord ; je me fâche contre ses paradoxes ; je me récrée à voir la promptitude de son coup d’œil ; sa parole m’entraîne, le combat devient vif, et j’ai sans difficulté le dernier mot, puisque j’ai affaire à un adversaire mort.

« Je rentre ensuite en moi-même. Je remarque que cet ouvrage est écrit depuis déjà trente ans, que les assertions paradoxales dirigées à dessein contre les maniéristes pédantesques de l’école française sont jugées ; que le but qu’elles visaient n’existe plus, et que ce petit ouvrage a plus besoin d’un commentateur historique qu’il ne demande un adversaire… »

Dans sa correspondance avec Schiller, Gœthe montre qu’il avait cédé d’abord plus facilement à la séduction. En lui parlant de l’Essai qu’il lui avait communiqué en même temps que les Observations sur le Salon de 1765, il lui dit (10 décembre 1796) : « J’espère que l’ouvrage de Diderot que je vous ai envoyé hier vous fera plaisir. « Et (17 décembre 1796) : « Quant à Diderot, vous pouvez le garder encore ; c’est un magnifique ouvrage qui parle plus utilement encore au poète qu’au peintre, quoique pour ce dernier il soit un puissant flambeau. »

Cette nouvelle preuve de l’influence exercée par Diderot sur les plus grands génies de l’Allemagne, ajoutée à celles que nous avons