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SALON DE 1765.

LE BAS[1].

C’est lui qui a porté le coup mortel à la bonne gravure parmi nous, par une manière qui lui est propre, dont l’effet est séduisant, et que tous les jeunes élèves se sont efforcés d’imiter inutilement. Il a publié :

    déchire un grand voile qui dérobait un nombreux cortège de vertus désignées par leurs attributs ; à droite et à gauchec, il y a les lambeaux du voile déchiré. Cette idée est ingénieuse. L’auteur a demandé à M. Diderot une inscription pour cette estampe, et celui-ci lui a donné à choisir entre les trois suivantes :

    Scindit se nubes, et in aethera purgat apertum.

    C’est ce que Virgile dit d’Énce, lorsque, le nuage s’étant ouvert, il parut aux yeux des Carthaginois.

    Ou bien celle-ci, qui paraît faite exprès pour l’estampe :

                                                                …Vélum
               Scinditur, et vitae gloria morte patet.
                                                              (Vers d’AUSONE.)

    Ou bien ce vers-ci, de la fabrique du philosophe :

               La mort a révélé le secret de sa vie.

    Ce vers me paraît aussi beau que simple.

    L’inscription qu’on a faite pour le mausolée du comte de Caylus est d’un caractère un peu différent. Vous savez que ce célèbre amateur a ordonné, par son testament, de mettre sur sa tombe une urne étrusque, sans autres accessoires. La fabrique de la paroisse Saint-Germain-l’Auxerrois s’occupe actuellement de ce monument, et l’agent de la fabrique, ayant trouvé l’autre jour un philosophe dans la rue, lui dit : « Vous devriez bien nous donner une inscription pour l’urne du comte de Caylus. — Eh bien lui répond tout aussitôt le philosophe *, mettez-y ces deux vers :

              « Ci-gît un antiquaire acariâtre et brusque.
              « Ah ! qu’il est bien logé dans cette cruche étrusque ! »
                                                                         (Note de Grimm.)


    * Nous savons que ce philosophe est Diderot, qui avoue lui-même cette boutade dans une lettre à Falconet, en ces termes : « Si l’on vous dit que ces deux vers sont de moi, c’est une médisance. » — On les a attribués aussi à Marmontel.

  1. Jacques-Philippe Le Bas (Paris, 1707-1783), élève d’Hérisset. Il était alors académicien.