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SALON DE 1765

joie ou le désespoir de l’artiste, dont elle allonge ou abrège l’ouvrage tandis qu’il dort. Si elle a trop mordu, et que la taille soit aussi profonde que large ; la taille prenant autant de noir dans son milieu que sur ses bords, le pauvre imprimeur en taille-douce aura beau fatiguer son bras et user la peau de sa main à frotter sa planche, le ton sera aigre, noir, dur, surtout dans les demi-teintes.

S’il arrive aux tailles de prendre trop de largeur, les espaces blancs resserrés se confondront. Tout le travail du burin n’empêchera ni l’âcreté ni les crevasses. Que l’artiste tienne ses lumières larges, il sera toujours maître de les restreindre.

Si vous attachez vos yeux sur une gravure faite d’intelligence, vous y discernerez la taille de l’ébauche dominante sur les travaux du fini.

Ce sont les secondes et troisièmes tailles qui donnent à la peau sa mollesse. Voyez les points se serrer vers les ombres ; voyez-les s’écarter vers la lumière ; regardez chaque point comme un rayon de lumière éteint. Les points ne se sèment pas indistinctement ; ils correspondent toujours à l’intervalle vide et blanc de deux points collatéraux.

Laissez-moi dire, mon ami. C’est à l’aide de ces petits détails techniques que vous saurez pourquoi telle estampe vous plaît, telle autre vous déplaît, et pourquoi votre œil se récrée ici et s’afflige là.

Porter les touches à leur dernier degré de vigueur, est le dernier soin de l’artiste. Un principe commun au dessin, à la peinture et à la gravure, c’est que les plus grands bruns ne peuvent être amenés que par gradation.

L’eau-forte est heureuse lorsqu’elle laisse peu d’ouvrage au burin, surtout dans les petits sujets. Le burin grave et sérieux ne badine pas comme la pointe. Qu’il ne se mêle que de l’accord général.

Je dirais au graveur : Que les formes soient bien rendues par vos tailles ; que celles-ci dégradent donc scrupuleusement selon les plans des objets ; que celles qui précèdent commandent toujours celles qui suivent ; que les endroits de demi-teinte auprès des lumières soient moins chargés de tailles que les reflets et les ombres ; que les premières, secondes et troisièmes fassent avancer ou fuir de plus en plus, que chaque