est sublime dans cet artiste, à qui il ne manque qu’une couleur plus vraie et une perfection technique, que le temps et l’expérience peuvent lui donner[1].
On y voit un pâtre debout sur une butte. Il joue de la flûte ; il a son chien à côté de lui, avec une paysanne qui l’écoute. Du même côté, une campagne ; de l’autre, des rochers et des arbres. Les rochers sont beaux ; le pâtre est bien éclairé et de bel effet ; la femme est faible et floue, le ciel mauvais.
- ↑ Jusqu’à présent, mon cher philosophe, je vous ai laissé dire et j’ai parlé
comme il vous a plu. Vous avez bien fait de vous arrêter à ce tableau de Fragonard
qui a principalement fixé l’attention du public, moins encore par son propre mérite
que peut-être par le besoin que nous avons de trouver un successeur à Carle Van
Loo et à Deshays. Quand on pense à cette foule de jeunes gens revenus de Rome et
agréés par l’Académie, sans donner la moindre espérance, on n’en peut pas bien
augurer pour la gloire de l’École française, déjà assez décriée d’ailleurs. Nous n’avons
qu’un Fragonard qui promette, contre cette foule de Briard, Brenet, Lépicié,
Amand, Taraval, qui certainement ne feront jamais rien. Je ne crois pas le tableau
de Fragonard sans mérite, tant s’en faut ; mais il faut attendre le Salon prochain
pour voir ce que cet artiste deviendra. Ce ne serait pas la première fois que nous
aurions vu un peintre, nouvellement arrivé de Rome et la tête pleine des richesses
de l’Italie, débuter d’une manière assez brillante, et puis s’affaiblir et s’éteindre de
Salon en Salon. Ce qui me donne quelque doute sur le génie de Fragonard, c’est
qu’en comparant l’effet de son tableau avec le pathétique de son sujet, je ne trouve
pas qu’il y atteigne. Si la victime vous paraît plutôt endormie qu’évanouie, le sacrificateur
m’a paru froid et sans caractère : son sexe est aussi indécis que celui de
ses acolytes ; on ne sait s’il est homme ou femme, et la faute n’en est pas seulement
à ses vêtements, mais à sa tête et à tout son corps. Vous avez relevé d’une
manière très-ingénieuse ce qui donne à toutes ces figures plutôt un air de fantômes
et de spectres que de personnages réels : car enfin, tout ce beau rêve que vous
venez de me conter, vous l’avez fait au Salon, en contemplant le tableau de Fragonard,
et la plupart du temps, si je m’en souviens, j’avais le plaisir d’être à côté de
vous et de vous entendre rêver tout haut. Mais comptez que votre rêve est plus
beau que son tableau, et que nous ne risquons rien d’attendre au Salon prochain
pour prendre notre parti sur cet artiste.
Au reste, un écho est un son réfléchi : un écho de lumière est une lumière réfléchie. Ainsi une lumière, qui tombe fortement sur un corps, d’où elle est renvoyée sur un autre, lequel en est assez vivement éclairé pour la réfléchir sur un troisième, et de ce troisième sur un quatrième, etc., forme sur ces différents objets des échos, comme un son qui va se répétant de montagne en montagne. Ce terme est technique, et c’est dans ce sens que les artistes l’emploient. (Note de Grimm.)
Cette note a été placée, dans l’édition de l’an IV, dans le texte même, quoiqu’il soit bien évident qu’elle est de Grimm comme les autres.
- ↑ Tableau de 22 pouces sur 18. — Il appartenait à M. Bergeret de Grancourt.