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dégrader avec une vitesse et un art surprenants ; vous en auriez remarqué les échos[1] se jouant supérieurement entre les figures. Ce vieillard, dont les cris perçants vont ont réveillé, il y était, au même endroit, et tel que vous l’avez vu ; et les deux femmes, et le jeune enfant, tous, vêtus, éclairés, effrayés, comme vous l’avez dit. Ce sont les mêmes prêtres âgés avec leur draperie de tête, large, grande et pittoresque ; les mêmes acolytes avec leurs habits blancs et sacerdotaux, répandus précisément sur sa toile comme sur la vôtre. Celui que vous avez trouvé si beau, il était beau dans le tableau comme dans votre rêve, recevant la lumière par le dos, ayant par conséquent toutes ses parties antérieures dans la demi-teinte ou l’ombre ; effet de peinture plus facile à rêver qu’à produire, et qui ne lui avait ôté ni sa noblesse, ni son expression.

Diderot.

Ce que vous me dites me ferait presque croire que moi, qui n’y crois pas pendant le jour, je suis en commerce avec lui pendant la nuit. Mais l’instant effroyable de mon rêve, celui où le sacrificateur s’enfonce le poignard dans le sein, est donc celui que Fragonard a choisi ?

Grimm.

Assurément. Nous avons seulement observé, dans le tableau, que les vêtements du grand prêtre tenaient un peu trop de ceux d’une femme.

Diderot.

Attendez… Mais c’est comme dans mon rêve.

Grimm.

Que ces jeunes acolytes, tout nobles, tout charmants qu’ils étaient, étaient d’un sexe indécis, des espèces d’hermaphrodites.

Diderot.

C’est encore comme dans mon rêve.

Grimm.

Que la victime, bien couchée, bien tombée, était peut-être un peu trop étroitement serrée d’en bas par ses vêtements.

  1. Dans la note de Grimm qui termine cet article, le mot « échos de lumière, » qui avait dû paraître un peu hasardé, est convenablement expliqué.