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S’il n’entre donc dans la notion du beau soit absolu, soit relatif, soit général, soit particulier, que les notions d’ordre, de rapports, de proportion, d’arrangement, de symétrie, de convenance, de disconvenance ; ces notions ne découlant pas d’une autre source que celles d’existence, de nombre, de longueur, largeur, profondeur, et une infinité d’autres sur lesquelles on ne conteste point, on peut, ce me semble, employer les premières dans une définition du beau, sans être accusé de substituer un terme à la place d’un autre, et de tourner dans un cercle vicieux.

Beau est un terme que nous appliquons à une infinité d’êtres ; mais quelque différence qu’il y ait entre ces êtres, il faut ou que nous fassions une fausse application du terme beau, ou qu’il y ait dans tous ces êtres une qualité dont le terme beau soit le signe.

Cette qualité ne peut être du nombre de celles qui constituent leur différence spécifique ; car ou il n’y aurait qu’un seul être beau, ou tout au plus qu’une seule belle espèce d’êtres.

Mais entre les qualités communes à tous les êtres que nous appelons beaux, laquelle choisirons-nous pour la chose dont le terme beau est le signe ? Laquelle ? il est évident, ce me semble, que ce ne peut être que celle dont la présence les rend tous beaux ; dont la fréquence ou la rareté, si elle est susceptible de fréquence et de rareté, les rend plus ou moins beaux ; dont l’absence les fait cesser d’être beaux ; qui ne peut changer de nature, sans faire changer le beau d’espèce, et dont la qualité contraire rendrait les plus beaux désagréables et laids ; celle en un mot par qui la beauté commence, augmente, varie à l’infini, décline et disparaît. Or, il n’y a que la notion de rapports capable de ces effets.

J’appelle donc beau hors de moi, tout ce qui contient en soi de quoi réveiller dans mon entendement l’idée de rapports ; et beau par rapport à moi, tout ce qui réveille cette idée.

Quand je dis tout, j’en excepte pourtant les qualités relatives au goût et à l’odorat ; quoique ces qualités pussent réveiller en nous l’idée de rapports, on n’appelle point beaux les objets en qui elles résident, quand on ne les considère que relativement à ces qualités. On dit un mets excellent, une odeur délicieuse, mais non un beau mets, une belle odeur. Lors donc