Page:Diderot - Œuvres complètes, éd. Assézat, X.djvu/28

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

dans les mœurs ; le troisième, du beau dans les ouvrages d’esprit ; et le quatrième, du beau musical.

Il agite trois questions sur chacun de ces objets : il prétend qu’on y découvre un beau essentiel, absolu, indépendant de toute institution, même divine ; un beau naturel dépendant de l’institution du créateur, mais indépendant de nos opinions et de nos goûts ; un beau artificiel et en quelque sorte arbitraire, mais avec quelque dépendance des lois éternelles.

Il fait consister le beau essentiel dans la régularité, l’ordre, la proportion, la symétrie en général ; le beau naturel, dans la régularité, l’ordre, les proportions, la symétrie, observés dans les êtres de la nature ; le beau artificiel, dans la régularité, l’ordre, la symétrie, les proportions observées dans nos productions mécaniques, nos parures, nos bâtiments, nos jardins. Il remarque que ce dernier beau est mêlé d’arbitraire et d’absolu. En architecture, par exemple, il aperçoit deux sortes de règles, les unes qui découlent de la notion indépendante de nous, du beau original et essentiel, et qui exigent indispensablement la perpendicularité des colonnes, le parallélisme des étages, la symétrie des membres, le dégagement et l’élégance du dessin, et l’unité dans le tout. Les autres, qui sont fondées sur des observations particulières, que les maîtres ont faites en divers temps, et par lesquelles ils ont déterminé les proportions des parties dans les cinq ordres d’architecture : c’est en conséquence de ces règles que dans le toscan la hauteur de la colonne contient sept fois le diamètre de sa base, dans le dorique huit fois, neuf dans l’ionique, dix dans le corinthien, et dans le composite autant ; que les colonnes ont un renflement, depuis leur naissance jusqu’au tiers du fût ; que dans les deux autres tiers, elles diminuent peu à peu en fuyant le chapiteau ; que les entre-colonnements sont au plus de huit modules, et au moins de trois ; que la hauteur des portiques, des arcades, des portes et des fenêtres est double de leur largeur. Ces règles n’étant fondées que sur des observations à l’œil et sur des exemples équivoques, sont toujours un peu incertaines et ne sont pas tout à fait indispensables. Aussi voyons-nous quelquefois que les grands architectes se mettent au-dessus d’elles, y ajoutent, en rabattent, et en imaginent de nouvelles selon les circonstances.