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se meurt et le monarque la touche aussi de son sceptre. C’est l’histoire : le moyen de s’en écarter ?

57. Quatre dessins de compositions d’architecture. Idées prises sur les plus grands monuments de l’Égypte, de la Grèce et de Rome.

Ce Challe a rapporté d’Italie dans son portefeuille quelques centaines de vues dessinées d’après nature où il y a de la grandeur et de la vérité. Monsieur Challe, continuez de nous donner vos vues, mais ne peignez plus.


CHARDIN.


C’est celui-ci qui est un peintre ; c’est celui-ci qui est un coloriste.

Il y a au Salon plusieurs petits tableaux de Chardin ; ils représentent presque tous des fruits avec les accessoires d’un repas. C’est la nature même ; les objets sont hors de la toile et d’une vérité à tromper les yeux.

Celui qu’on voit en montant l’escalier mérite surtout l’attention. L’artiste a placé sur une table un vase de vieille porcelaine de la Chine, deux biscuits, un bocal rempli d’olives, une corbeille de fruits, deux verres à moitié pleins de vin, une bigarade avec un pâté[1].

Pour regarder les tableaux des autres, il semble que j’aie besoin de me faire des yeux ; pour voir ceux de Chardin, je n’ai qu’à garder ceux que la nature m’a donnés et m’en bien servir.

Si je destinais mon enfant à la peinture, voilà le tableau que j’achèterais. « Copie-moi cela, lui dirais-je, copie-moi cela encore. » Mais peut-être la nature n’est-elle pas plus difficile à copier.

C’est que ce vase de porcelaine est de la porcelaine ; c’est que ces olives sont réellement séparées de l’œil par l’eau dans laquelle elles nagent ; c’est qu’il n’y a qu’à prendre ces biscuits et les manger, cette bigarade l’ouvrir et la presser, ce verre de vin et le boire, ces fruits et les peler, ce pâté et y mettre le couteau.

  1. Ce tableau paraît être le no 175 de la collection Lacaze, au Louvre. No du livret ; il appartenait alors à M. Le Moyne, sculpteur du roi.